La nouvelle de la réunion des anciens membres de Travis autour de Frah Heay, le chanteur du groupe, avait de quoi exciter les oreilles des amateurs de jolies mélodies pop, de chansons légères et de musique emprunte de douce mélancolie. Si jadis leurs albums allaient forcément taper dans le haut des charts, c'était aussi parfois au prix de mélodies un peu faciles, sans réelle personnalité comme en attestait le précédent album paru en 2008, Ode to J Smith même si celui-ci s'avérait plus musclé (peut-être justement pour dissimuler un manque d'inspiration) que les précédents. Des chansons comme "Something Anything", "Song to self" ou "J Smith" n'ont pas vraiment marqué les esprits, malgré des ventes encore conséquentes au Royaume-Uni. Le groupe en mal de créativité prend du recul et met alors sa carrière entre parenthèses pendant presque six ans.
Soudain on apprend, l'hiver dernier, que les membres de Travis sont en Norvège, en train d'enregistrer avec "Super Swede" Michael Ilbert. Ce producteur et ingénieur du son a déjà travaillé avec des groupes comme The Hives, The Cardigans, Supergrass ou 22-Pistepirkko pour le meilleur, mais aussi avec P!nk, The Rasmus, Ke$ha, A-ha ou les Backstreet Boys pour des productions plus sujettes à caution. Ensuite les voici en train d'enregistrer aux fameux Studios Hansa de Berlin, où Depeche Mode ou Bowie avaient leurs habitudes. Enfin, la console de mixage utilisée est celle qui a servi pour OK Computer de Radiohead ou l'un des plus gros succès discographiques du groupe "The man who" en 1999. Pas de doute que la production sera léchée.
Pour expliquer leur retour après cinq ans, Travis explique qu'ils avaient besoin de retrouver un appétit créatif, cependant Where you stand ne confirme pas cette belle déclaration. Les onze chansons de l'album semblent toutes coulées dans le même moule en mid-tempo. L'album s'écoute sans déranger, agréable en fond musical, mais ne fait que rarement lever l'oreille. La délicatesse mélodique est bien présente, mais sans magie à la production qui pourrait faire scintiller des morceaux un peu ternes, un peu éteints.
En soi, ce n'est pas une surprise de voir les glaswégiens revenir à ce qu'ils savent faire de bien, des compositions à la langueur monotone des pianos de l'automne, plutôt que des violons. Le single "Where you stand", par la voix de Frah Heay, est immédiatement identifiable comme un titre de Travis. La montée en puissance des instruments est classique, mais c'est dans la structure de l'écriture que le groupe semble avoir mûri, oubliant les expressions toutes faites et les structures en quatre vers comme précédemment, pour préférer parallélismes et anaphores. "Mother", en titre d'ouverture, laisse de larges espaces aux instruments, avec une place prépondérante pour le piano. "Reminder" reste rapidement en tête grâce à son pont musicale siffloté. "A different room" va humblement, par son lyrisme forcé, essayer de chasser sur les terres de Coldplay. "Boxes" joue la carte maîtresse de Travis, la douceur mélancolique. Et l'album de se conclure sur une balade au piano au titre évocateur "The Big Screen".
Après quelques écoutes, Where you stand, bien qu'agréable semble condamné à être rapidement épuisé. Cependant, qui aurait parié à la première écoute de "Sing" ou de "Why does it always rain on me ?" être encore capable de fredonner ces chansons avec plaisir une décennie plus tard ? C'est une des marques de fabrique du groupe que d'être capable d'écrire ce genre de petites dragées au poivre dont la saveur se révèle avec le temps. |