Le premier album de Lisa Leblanc est sorti au début de l'année 2013 en France. Mais son succès au Canada, l'année précédente, avait été fulgurant. La jeune femme, originaire du Nouveau-Brunswick, une province à l'est du Canada, a une personnalité bien trempée. Lauréate du festival de la chanson de Granby en 2010, l'acadienne a parcouru beaucoup de chemin. Elle a participé cet été au festival parisien FnacLive et ainsi pu montrer a un public français beaucoup plus large que lors de ses deux précédents concerts à la Boule Noire qu'elle est une véritable bête de scène.
Avant son concert à la Cigale à la rentrée et une première tournée française, nous l'avions rencontrée pour revenir sur une année exceptionnelle pour cette interprète de "folk trash".
L'album est sorti au Québec en 2012, et au début de l'année 2013 en France. Pourtant, avant 2012 tu as beaucoup bourlingué sur les routes du Québec. Peux-tu nous parler de cette période ?
Lisa Leblanc : Je voulais prendre mon temps pour cet album, je voulais vraiment être prête. Avant que l'album ne sorte, j'ai fait près de deux cent shows. Quand il est sorti, ça a été une période de malade. Quand c'est arrivé, j'avais cette expérience, ce background-là, qui faisait que je pouvais mieux aborder la scène. Tout d'un coup les salles étaient pleines, ce n'était pas le moment pour moi de découvrir comment me comporter devant un public. Je suis contente d'avoir eu ce passé pour franchir cette étape. On continue comme avant, sauf qu'il y a plus de monde aux concerts.
Les chansons de ton premier album sont clairement inspirées de cette période. Appréhendes-tu l'écriture des chansons du second ?
Lisa Leblanc : J'ai commencé à écrire les chansons du deuxième. Tranquillement, je ne me mets pas la pression. Pour l'instant il y a quatre ou cinq nouvelles tounes. Ce n'est pas rapide, mais je suis vraiment dedans.
J'ai l'impression que tu fonctionnes un peu sur un mode à la Springsteen.
Lisa Leblanc : Go, go, go ! Oui, je suis une fille de spectacle. Pour faire la tournée, je suis une gipsy dans l'âme. Voyager, rencontrer du monde, pour moi, c'est parfait.
Lorsque l'album est sorti au Canada, la reconnaissance a été explosive. Est-ce que tu expliques ce phénomène ?
Lisa Leblanc : Je commence à avoir un peu plus de recul maintenant. C'était fou, mais comme pour n'importe qui qui rencontre un succès soudain, je suppose. Tout d'un coup c'est une autre vie à laquelle il faut s'adapter. Il y a des beaux moments, mais aussi des périodes difficiles. Tu gardes les bons moments, et de toute façon tu continues. J'ai fait du mieux que j'ai pu et j'ai connu de belles affaires.
Quels ont été les évènements majeurs de l'année dernière pour toi ?
Lisa Leblanc : Il y a eu le lancement de l'album. Ça a été immense pour moi. C'était incroyable, c'était vraiment le fun. Il y a eu les francofolies de Montréal 2012, où on a fait un grand show en extérieur. Il y avait 40.000 personnes. C'était la première fois que je jouais devant autant de monde. Et wow, tout le monde connaissait les tounes. Ça a été un énorme moment. Il y a aussi eu le mois que je suis venu passer en Europe durant l'été dernier. J'avais joué aux Francofolies de La Rochelle et de Spa en Belgique. Il y a eu mon premier concert à l'Olympia de Montréal, c'était mon premier gros show comme tête d'affiche. Enfin il y a eu le prix de révélation de l'année au gala de l'ADISQ, l'équivalent au Québec des Victoires de la Musique. Pour ma carrière, ça a vraiment été les grandes étapes majeures.
Tu te retrouves dixième dans le classement des personnalités les plus influentes du Nouveau Brunswick, juste derrière, neuf politiciens, tous des hommes. Qu'en penses-tu ?
Lisa Leblanc : (rires) C'est un top 10. J'étais contente de me retrouver classé avec ces personnalités. Ça m'a bien fait rire. Mais franchement, je m'en fiche un peu.
Quand ta chanson "Ma vie c'est d'la marde" est sortie, un critique québécois a attribué ton succès au fait que tu chantais dans une langue plutôt verte. Plus tard, il est revenu sur sa première impression. Mais comment as-tu vécu ça ?
Lisa Leblanc : C'est de toute manière la chanson de l'album que j'ai écrite le plus rapidement. Cela m'a pris une journée. Il y a trois accords. Je gueule, je dis "marde". Ce n'est pas la chanson dont je suis la plus fière, et c'est finalement devenu un hit. J'en ai été surprise. Il y a plein de monde qui se l'est appropriée. Les gens m'abordaient et me racontaient leur histoire. Du genre : mon père est à l'hôpital avec le cancer, mais quand j'entends votre chanson à la radio, ça me redonne le sourire". Aujourd'hui, ce n'est plus ma chanson. Tant mieux si cette chanson peut aider des gens. Pour moi, c'est extraordinaire.
Il y a eu aussi des polémiques récentes sur le chiac (NDLR : parler franglais ou anglo-français, utilisé principalement au Nouveau-Brunswick et en particulier par Lisa Leblanc). Ne trouves-tu pas surprenant que ton succès advienne justement au moment où la défense de la langue française au Québec est un sujet sensible ?
Lisa Leblanc : Ce débat date d'il y a déjà longtemps. Je m'en suis tenue éloignée parce que je ne voulais pas alimenter la polémique. Ce sont les mêmes arguments, aussi bien pour ou contre, qu'il y a trente, quarante, voire cinquante ans. Le chiac est un dialecte et un accent du Nouveau-Brunswick. Dans la francophonie, l'accent est la caractéristique de l'endroit d'où tu viens. En France aussi, vous avez différents accents. Au Canada, ce n'est pas le même accent au Québec, au Nouveau-Brunswick, en Ontario ou au Manitoba. C'est pour cela que je trouve que le chiac est une bonne chose.
Qu'as-tu retiré de ton expérience de la Tournée des Francos 2012 (NDLR : une scène partagée par trois artistes francophones des pays où se déroulent les Francofolies, La Rochelle en France, Spa en Belgique, Montréal au Canada) avec Cédric Gervy, et GiedRé ?
Lisa Leblanc : C'était une super belle expérience. C'était vraiment le fun, ces trois shows-là. Puis j'ai rencontré de belles personnes. De beaux festivals, de belles rencontres. Et maintenant, je suis fan de Cédric Gervy et de GiedRé.
La signature avec le label français Tôt ou Tard a mis du temps parce que tu avais failli signer avec un autre label auparavant, mais ce label était revenu sur sa décision parce que tu avais un accent trop marqué. Peux-tu nous en parler ?
Lisa Leblanc : Non, c'est moi qui ai pris mon temps. C'était tellement gros ce qui arrivait au Québec que j'essayais déjà de dealer avec tout ça. Pour la France, j'ai pris mon temps. J'ai attendu d'être prête pour venir. C'était un peu comme recommencer à zéro. Puis à un moment, je me suis dit : "là, c'est bon. On peut y aller". Et je suis contente d'être sur le label Tôt ou Tard.
Tu disais être une extra-terrestre pour les québécois, comment te sens-tu devant un public français ?
Lisa Leblanc : C'est drôle, et en même temps je m'amuse beaucoup. Je me laisse aller pareil. C'est drôle de voir les réactions.
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