Comédie dramatique de Martin Crimp, mise en scène de Patrick Schmitt, avec Larissa Chomolova, Emmanuelle Meyssignac et Patrick Schmitt.
Un couple quitte la ville pour s'installer à la campagne. S'agit-il de fuir la ville, la vitesse, le bruit, la pollution, l'oubli de soi pour se retrouver enfin, loin des tentations, loin des distractions et reconstruire un have de paix et des conditions de vie meilleures ?
On pourrait tout d'abord l'imaginer, jusqu'au moment où Richard, le mari, le médecin de campagne ramène sous son toit une jeune femme égarée sur le bord du chemin. Qui est cette fille ? Quel est ce trouble qui perturbe alors les deux époux ? Quel est ce passé qui se rappelle à la mémoire de sa femme Corinne ? Est-elle dérangée pour lui faire une scène quand tout porte à croire qu'il a pris une sage décision, la meilleure option ?
Richard, parti en visite, la jeune femme se réveille et entre en confrontation avec Corinne. Qui est innocent? qui est victime ?
Martin Crimp dans "La campagne", met en place des tableaux successifs de face à face : Corinne et Richard puis Corinne et Rebecca puis Rebecca et Richard et se plait à déjouer les apparences : la campagne devient ce lieu étrange, inquiétant, étouffant, la nature est rassurante et dangereuse, le médecin serait-il capable de tuer ? Pourquoi se méfie-t-elle du verre d'eau qu'il lui tend ? Sous chacun des gestes, des mots : un malentendu, un heurt, une entaille.
Avec une formidable simplicité d'effets, de procédés, Martin Crimp met en situation des personnages, fragiles, perdus qui savent davantage griffer que caresser. La fuite est impossible. En présence les uns des autres, ils sont comme ces liquides inflammables à manier avec précaution, sous danger de mort.
Le metteur en scène Patrick Schmitt qui joue également le trouble Richard a pris le parti d'un rythme ralenti où les corps sont lents, sont lourds afin que le dévoilement soit progressif que le spectateur se retourne sur de nouvelles hypothèses, interprétations en écho avec les craintes des personnages.
Corinne interprétée par Emmanuelle Meyssignac se tient en équilibriste sur le fil d'une guerre des nerfs : perd-elle pied ou pas ? Elle laisse le spectateur dans l'entre deux. Larissa Cholomova prête à Rebecca l'instinct de vie le plus marqué, elle regarde cette famille et ces enfants, du dehors, comme son idéal. Elle a pourtant en son pouvoir de tout détruite elle aussi. Patrick Schmitt réserve à Richard le rôle du manipulateur, en retrait, se refusant, se dérobant pour mieux faire vaciller ses partenaires.
"La campagne" de Martin Crimp mise en scène par Patrick Schmitt suscite malaise et vertige comme si les relations entre les êtres ne pouvaient être que truquées, et que chacun avait à lutter pour sa survie, sans répit, face à qui que ce soit. |