Porté par une reconnaissance fulgurante, l’un des derniers phénomènes issus de la bouillonnante scène britannique a su conquérir son public en l’espace de quelques titres parcimonieusement distribués entre un EP et un single.
Composé de Dot Major, Hanna Reid et de Dan Rothman, réunis entre autres grâce à la plateforme social Facebook (et un sombre plan drague foireux), London Grammar est une rencontre fortuite qui a pourtant réussi à mettre en place une véritable alchimie entre ses trois membres. Si Hanna pose avec une guitare, c’est plus volontiers sur un piano qu’elle laisse ses doigts s’exprimer, alors que sa voix puise allègrement dans les coffres du registre lyrique. Dan, de son côté, s’impose comme le guitariste / compositeur, là où Dot campe les percussions et les claviers. Voilà pour les présentations.
Si leur premier véritable fait d’arme remonte à 2012, il a fallu le single envoûtant "Wasting My Young Years" et son clip à l’atmosphère éthérée et planante, édité en mai 2013, pour s’assurer un battement médiatique bien mérité. Dès lors, les blogs en têtes de files s’échinèrent à en entendre plus de ce groupe et (re)découvrent l’EP Metal & Dust. Suit une série de sorties, distribuée en toute économie, qui s’alignent comme un décompte bien pensé et accrocheur menant à la sortie de l’album, nommé comme un pied de nez à la patience des fans : If You Wait.
Pied de nez encore avec cet album, tout juste sorti le 10 septembre dernier et presque conçu comme un hommage à la scène anglaise récente. Car tout comme avec une règle immuable de grammaire, London Grammar applique à la perfection les leçons qui leur furent transmissent plus tôt par leurs "professeurs" spirituels. Parmi lesquels ils reconnaissent The XX et utilisent sans nul doutes les albums XX et Coexist comme de véritables ouvrages de références, si ce n’est comme un Bescherelle. C’est qu’ils ont en commun cet amour pour les ambiances simples et dépouillées, rempli d’un vide qui, non sans contradiction, arrive à évoquer un panel d’émotions complet, tout en gardant ceux-ci sous un contrôle ferme. Mais là où Romy et Oliver susurrent des mots doux dans nos oreilles, Hana elle, se fait entendre de loin.
Celle-ci fait plutôt appelle à ses poumons, les utilisant précautionneusement pour donner corps à ses paroles. Des poumons que certains comparent bien évidemment à ceux de Florence Welch dont le premier album fut très justement intitulé Lungs (NDLR : "poumons").
C’est donc un outil omniprésent sur l’album, que ce soit sur des productions plus ou moins classiques tels que "Strong" (un titre comme celui-ci ne pouvait être qu’une chanson faisant la part belle à la voix d’Hanna !) ou "Hey Now", mais aussi sur des titres plus audacieux comme "Flickers" et ses inattendues percussions tribales, cher à Dot Major.
Arythmique londonienne encore, puisque notre trio, au dehors de jeunes premiers, nous évoquent un autre groupe empruntant exactement la même dynamique : Daughter. Ce coup-ci, non content d’être composé du même substrat, deux garçons et une fille, ils explorent aussi le territoire de la pop 2.0. En offrant, tout comme Daughter, des couplets à l’écriture léchés qui finissent par exposer un cœur ouvert, trop plein d’émotions, lors d’un refrain efficace s’emballant le temps d’un véritable raz-de-marée composé de mots. C’est bien évidemment le cas du titre phare de l’album "Wasting My Young Years", mais aussi pour le titre "Metal & Dust", où les lyrics "we argue, we don’t fight" jouent le rôle d’une échelle aux sentiments ascendants.
Leur son est donc une équation ayant atteint un subtil équilibre loin de tout artifice putassier et brossant un panorama judicieux de la musique anglaise et surtout londonienne.
Et si on décrit volontiers London Grammar comme l’âme musicale de Londres, les ombres projetées par l’album, comme une myriade de voiles flottant sur les cœurs, restent des productions palpitantes, légères et originales. Et c’est au sein de ses ombres, aléatoirement traversées par la voix d’Hanna, à la manière d’une allégorie, que nos trois enfants prodiges déversent leurs émotions et influences. Tissant les uns aux autres pour nous livrer une tapisserie au moins aussi audacieuse, sinon mythique, que celle de Pénélope. Néanmoins ne vous laissez par leurrer, le groupe même avec ce premier album, n’a pas livré toutes ses surprises ni son potentiel. Et si la reprise du hit de Kavinsky, "Nightcall", est présente sur la tracklist, les reprises live et inédites des titres de La Roux "In For The Kill" et de Chris Isaak, "Wicked Games" ouvrent tout un champ de possibilité pour le groupe qui sera indéniablement appelé à évoluer d’une façon ou d’une autre. A découvrir d’urgence.
|