Opéra-danse de Stéphane Albelda, mise en scène de André Pignat et Géraldine Lonfat, avec Géraldine Lonfat, Nicolas Gravier, Marie Broche, Kwatar Kel, Ophélie Comina, Thomas Laubacher et Paul Patin.
Saisissant, c’est l’adjectif qui convient aux créations de la compagnie Interface. Après des années de succès à Avignon, un premier spectacle était proposé à Paris la saison dernière au Théâtre des Mathurins ("Shabbath") et le public parisien faisait enfin connaissance avec ce travail particulier mélangeant les disciplines (théâtre, danse et chant). Il serait difficile de raconter "L’oubli des anges" mais disons qu’il s’agit une heure d’émotion brute, de frisson, de densité. Un récit fascinant où il est question d’amour et d’énergie vitale, de dialogue entre la vie et la mort, de la lutte de l’énergie créatrice contre tous les obstacles qui lui font face. Une course contre le temps ; se remplir une dernière fois de tout ce qui fait la vie et le visage contre terre, retrouver des émotions peuplées de fantômes. Ce qui fait la force et la beauté aussi de "L’oubli des anges", comme dans les autres créations de la compagnie valaisane (Suisse), c’est l’investissement total de tous les interprètes, connectés en permanence pendant l’heure dense de cet "opéra-danse" avec une présence rare, conférant au temps de la représentation une dimension magique. Sur scène, dirigés avec talent par André Pignat, compositeur d’une musique envoûtante et originale empruntant à l’opéra et au chant liturgique, dans une pénombre étudiée, avec les textes énigmatiques et circulaires de Stéphane Albelda, les sept artistes sont là et bien là. Géraldine Lonfat la danseuse et chorégraphe, au sommet de son art, mène le train avec une force impressionnante mais les autres ne sont pas en reste : Nicolas Gravier, comme dans "Shabbat" nous hypnotise de sa voix d’or tandis que Marie Broche, comédienne généreuse à la présence émouvante, veille. Et tout le choeur (Ophélie Comina, Kawtar Kel,Thomas Laubacher et Paul Patin) est au diapason. A la fin de cet épisode, tous auront contribué à cent pour cent à sa réussite. Et l’énergie collective déployée par le groupe aura fait de ce moment, un voyage extraordinaire et inoubliable. C’est le meilleur exemple de pluridisciplinarité qu’on puisse donner, un spectacle inclassable que l’on ressent avant tout, dont les images en font ressurgir d’autres et dont on s’échappe comme d’un songe. On aura vu à Avignon, des spectateurs quitter la représentation hébétés, abasourdis, en larme. "L’oubli des anges", c’est une expérience à vivre et peut importe au fond qu’on ait tout compris, le spectacle est à chaque instant intense et d’une esthétique bouleversante. A découvrir donc sans tarder, dans ce nouveau lieu de création qui ouvre à côté de la place de la Nation, le Théâtre Laboratoire, et qui démarre de la plus belle façon qui soit. |