Les anniversaires donnent l'occasion de réunir largement les fidèles et, après avoir fêté en deux volets avec l'exposition "Hey ! Modern art & Pop culture" et "Hey ! Modern et Pop Part II" celui des dix ans du magazine français Hey
! défricheur de l'art underground, la Halle Saint Pierre
se consacre à celui de son aîné anglo-saxon.
Il s'agit du magazine à la renommée internationale Raw Vision qui depuis 1989 se consacre à la médiatisation et à la reconnaissance de l'art brut non seulement dans le cadre de l'Histoire de l'art mais également sur le marché de l'art;
Et pour l'exposition "RAW VISION - 25 ans d'art brut", les commissaires Martine Lusardy, directrice de la Halle Saint Pierre, et John Maizels, historien d'art et fondateur du magazine, ont mis les petits plats dans les grands.
Car sur les deux niveaux d'exposition, ils présentent près de 400 oeuvres et 81 artistes de toutes les générations depuis la seconde moitié du 19ème siècle qui constituent l'extraordinaire planète de l'art brut, également qualifié d'art underground, alternatif ou outsider et dont certains en sont devenus les figures majeures.
L'art brut, démons et merveilles
Marginaux, aliénés, maniaques obsessionnels ou artistes autodidactes, chacun à trouvé un éxutoire à son mal de vivre et à sa relation au monde en funambule sur la mince frontière qui sépare les territoires contigus du génie et de la folie.
Si chaque univers est différent, toujours aussi personnel que singulier, et ne peut être rationnellement déchiffré que par la connaissance du vécu intime, les appariements avec, sinon l'esthétique, du moins les registres stylistiques des mouvements artistiques "officiels" ne cesse de surprendre.
Ainsi, en résonance avec le nouveau réalisme, l'art de la récupération de André Robillard pour qui la liberté est au bout du fusil.
Ou quand son Jésus chevauche un M16 devient le frère d'arme du Jésus crucifié sur un bombardier de l'artiste plasticien argentin Leon Ferrari récemment décédé.
Ou Mr Imagination, le roi de la capsule de bière qui marche sur les plates-bandes du ghanéen Sasa de El Anatsui.
Dans cette exposition passionnante et foisonnante qui n'impose aucun parcours balisé et ne s'inscrit pas en rétrospective, sont évidemment présentes les grandes figures de l'art brut telles ses représentants historiques comme la suissesse Aloïse Corbaz ou l'américain Henry Darger, le désormais incontournable chef de file de la pop subculture Joe Coleman face à celui de l'art visionnaire, le biker mystique Norbert Kox.
Le public parisien pourra également découvrir des artistes pour la première fois exposés en France.
Ainsi en est-il du du charpentier Dalton Ghetti aves ses micro-sculptures dans une mine de crayon papier .
De même pour les transfigurations psychédélico-transcendentales de Alex Grey qui voisinent avec les figures sculptées du bâtisseur visionnaire indien Neck Chand créateur du Rock Garden.
Les soucoupes volantes de Ionel Talpazan, le monde naif de Ilija Bosilj, les figures macabres de Charles Benefiel, les retables en bois de François Verben, la maquette-sculpture animée des attractions de Coney Island de Tom Duncan, l'art médiumnique de Madge Gill et le grotesque arcimboldien revisité à l'aune du noeud torsadé par C.J. Pyle sont autant d'univers à explorer.
Plus inattendue, peut-être, à côté des sculptures primitives du portugais Jose Dos Santos, la présence du peintre autodidacte congolais Cheri Samba figure de proue de l'art contemporain africain "chouchou" des grandes messes internationales et dont les oeuvres sont déjà "muséalisées".
Inscrit dans l'Histoire de l'art, entré au musée et exposé dans les galeries, l'art brut est sorti de l'anonymat et de la marginalité. Doit-il également participer à "la ruée vers l'art" des nouveaux milliardaires avides de reconnaissance sociale et médiatique ? |