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Interview  (Paris)  mardi 24 septembre 2013

Après un premier album en 2008 encensé par les médias, en partenariat avec France Inter s’il vous plaît, François Maurin, alias F.M. est de retour avec un album plus pop et très orienté sur l’orgue sous toutes ses formes. C’est entre deux résidences d’artistes à Annemasse où il peaufine les derniers réglages de sa prochaine tournée que l’artiste Rouennais nous accorde quelques instants pour répondre à nos questions.

Ton nouvel album semble être à nouveau une sorte de challenge que tu t’imposes à toi-même. Autant dans le premier, l’idée était de démontrer qu’on peut faire une musique moderne avec une formation classique, autant cette fois l’idée est de montrer que l’orgue peut se fondre dans toutes les formes de musiques. Pour entrer dans le vif du sujet d’ailleurs, sur cet album, que je viens d’écouter plusieurs fois, on ressent de nombreuses influences différentes. C’est un peu comme un voyage dans le temps en fait. Au début, on se demande où on va, puis on se laisse balader et ensuite on reconnaît des choses. J’imagine que ce sont des hommages que tu as fait volontairement, on reconnait par exemple du Electric Light Orchestra et d’autres groupes des seventies.

François Maurin : Pour répondre à ta question posée précédemment, c’est juste une gageure en tant que musicien, un challenge que je me lance. Mais aussi j’adore toutes les musiques et dès que j’entends un morceau de charleston ou de musette, j’ai envie d’avoir mon morceau de musette à moi. J’ai une vraie gourmandise pour un tas de formes de musiques que j’incorpore dans mon travail.

Pour le coup, la trame de cet album là, The Organ King, je l’ai construite comme un voyage qui partirait de la fin des années 50 aux Etats-Unis et qui finirait vers la fin des années 80, quelque part entre l’Angleterre et les Etats-Unis avec une influence west-coast un peu sirupeux comme sur le dernier morceau. Et puis évidemment c’est une espèce d’Arche de Noé, un voyage où on se perd géographiquement entre la France, un jardin anglais, et puis les grands espaces américains et pleins de genres qui s’entremêlent. Effectivement, c’est vraiment un voyage chronologique et une espèce d’errance dans notre inconscient à tous. Les gens de ma génération on aime tous ces musiques là : des débuts du rock jusqu’aux eighties.

L’orgue particulièrement, c’est un instrument que tu avais remarqué depuis longtemps ? Car il est vraiment présent dans toutes les chansons et sous différentes formes.

François Maurin : Pour le coup, c’est vraiment une espèce de petite gageure, de petit clin d’œil. Quand je me suis mis à travailler sur ce nouvel album, j’ai vu le titre. Je n’avais même pas écrit la moindre musique que j’avais déjà ce titre : The Organ King. The Organ King, j’en avais déjà parlé dans une chanson qui s’appelle "Maybe" sur le premier album. Mon rêve quand j’étais petit, c’était d’avoir un orgue parce que l’orgue finalement c’est en réduction un orchestre à lui seul. Il est capable d’imiter tous les timbres. Je me suis toujours passionné pour la synthèse sonore, les synthétiseurs et pour tout ce qui permet à un seul homme d’être orchestre. Comme j’ai un peu une âme de compositeur, j’ai eu envie d’avoir mon orchestre à moi. Et mon orchestre à moi c’est l’orgue donc. Je me suis aussi servi de ce titre qui était marrant parce que j’avais envie de faire quelque chose sur les années 50 aux Etats-Unis. Le King, c’est Presley et puis Organ King il y avait un côté un peu glam, un peu clinquant. Dans le titre, il y a un peu tout l’univers qu’on entend dans l’album, un mélange de musique pop et de musique savante, de musique profane et de musique sacrée.

Et ça va loin car la calligraphie de l’album m’a fait penser à Chicago par exemple.

François Maurin : Je reviens sur ce que tu disais précédemment, car tu parlais d’Electric Light Orchestra. Je n’ai pas connu car je n’écoutais pas. Il reste que dans cet album il y a énormément de références que les gens ont, c’est un concassé de mix pop.

Et ça marche car effectivement c’est un vrai plaisir, on se balade dans les époques et on reconnait de ci de là des petites choses. J’en reviens à l’orgue car j’ai trouvé ça très sympa de l’utiliser sous toutes ses formes. Et Dieu sait qu’elles sont diverses justement, sachant que ça peut aller d’un instrument qui tient dans une poche à un instrument qui tient dans une église. Alors je sais qu’il existe des moyens modernes pour reconstituer des timbres ou des sonorités, mais est-ce que tu as enregistré avec des instruments originaux ?

François Maurin : En l’occurrence, j’ai autoproduit cet album avec l’idée, là encore un nouveau challenge, hum... J’ai vraiment une âme de compositeur, j’entends très précisément la musique que je veux faire sur un disque du coup toutes les parties sont écrites, j’écris la moindre cymbale. Je me suis dit que c’était le moment, et je me suis senti capable de faire une grosse production. A l’heure où beaucoup entrent en studio pour enregistrer deux ukulélé, moi je vais faire exactement ce que je veux, sans contraintes d’instrumentation, et je me suis dit, puisque je passe mon temps à faire des maquettes qui finissent par sonner aussi bien que les résultats finaux, je vais écrire la musique, je vais filer les partitions à tout le monde et puis je vais enregistrer avec un studio mobile multipiste.

Donc en fait, je suis allé à Nantes pour enregistrer les cuivres, je suis allé enregistrer les pianos par ci, un orgue de barbarie en faisant des recherches, j’ai fait beaucoup de rencontres. Que des "vrais" instruments, ce ne sont pas des samples mais ces vrais instruments n’ont pas été joués en même temps. La différence entre les années 60 et 2013, c’est qu’en 2013 aucune maison de disque n’aurait financé un projet pareil.

Tu as quand même réussi à trouver les instruments originaux et à les faire jouer. On entend les cordes, les chœurs, on se dit : c’est toute une production qu’il faut mettre en place et c’est lourd.

François Maurin : Oui bien sûr, c’est énorme. Surtout, le challenge, c’est du multipiste. Donc sur le morceau "The Holydays of my Youth" qui est un piano-voix qui se transforme en music-hall il y a 150 pistes ! Pour un morceau de deux minutes, c’est techniquement hyper difficile. Le mixage est très pointu.

Effectivement, quand on écoute ce morceau, on imagine tout l’orchestre en train de jouer.

François Maurin : Je n’ai pas eu tout l’orchestre devant moi. Mais il y a eu autant d’instrumentistes qui ont joué en différé puisque j’ai réussi à enregistrer les cuivres avant, les cordes, etc. Vive les nouvelles technologies pour travailler sur les musiques anciennes.

J’en reviens au premier album où tu avais dû enregistrer intégralement en studio avec la formation complète.

François Maurin : Voilà, on s’était retrouvé avec la formation au studio et on avait joué la partition ensemble, effectivement. Donc très différent. Là j’ai passé énormément de temps à faire cet album. Je l’ai fait avec mon ingénieur du son, mon acolyte avec qui on a construit ce "truc" pierre après pierre, ça nous a pris énormément de temps et d’énergie mais le challenge est accompli.

Effectivement, ça sonne différent dans une production musicale où on a toujours un peu l’habitude d’entendre les même sons.

François Maurin : Dans cet album j’ai voulu proposer une musique orchestrale, des timbres qui s’allient, des mélodies qui se superposent, faire entendre ça à l’intérieur d’un matériel pop simple. Aujourd’hui, la grande tendance est de mettre le moins d’instruments possible. Dès que vous dépassez trois instruments, on vous dit : "oh la la, il y en a partout". Moi justement ce que je voulais, c’était faire entendre des chansons simples : une voix et une rythmique derrière, mais si on veut, à la deuxième écoute on peut rentrer un peu plus dedans et à la troisième écoute retrouver toute une profondeur d’arrangements et de mélodies.

On entend un orchestre derrière au lieu d’une simple formation guitare, basse, batterie.

François Maurin : Voilà, il y a tout un monde derrière et c’est l’invitation à entrer dedans, ce qui n’est pas du tout la tendance de la pop actuelle.

Une dernière question peut-être, j’ai cru comprendre que tu avais entamé une tournée puisque tu jouais à Annemasse cette semaine. Autant l’orchestre de chambre était relativement facile à mettre en place sur une scène, logistiquement parlant ça devait être plus simple. Cette fois, ça va se passer comment cette tournée ? Tu fais des choix sur les orchestrations ? Ou tu préfères peut-être conserver la surprise.

François Maurin : Non, pas de surprise, au contraire ! En fait l’album et la tournée sont deux choses différentes. L’album est enregistré avec des instruments, je me suis donc demandé comment j’allais pouvoir faire sur scène, quelle formation j’allais pouvoir emmener. Dans le cas du premier disque, le concept était de faire tout pareil. Sur le disque et sur la scène, je ne voulais pas qu’il y ait de différence. Je voulais qu’il y ait un vrai orchestre qui joue avec moi.

Cette fois, justement parce que j’avais travaillé avec des orgues de barbarie sur l’album, j’ai commencé à penser musique mécanique et à imaginer tout un orchestre. J’ai fait construire un orchestre d’instruments mécaniques revisités par la robotique actuelle. J’ai travaillé avec des roboticiens et des facteurs d’instruments anciens et donc, autour de moi, il y a des dizaines d’instruments qui jouent tous seuls. Ils jouent la musique du premier album, du deuxième album, aussi des reprises. Un orchestre avec lequel je joue un spectacle comme avec des musiciens fantômes.

C’est un "gros truc", plutôt impressionnant. D’ailleurs, quand je joue le concert, je n’arrive toujours pas à y croire ! J’ai mis beaucoup de temps pour mettre au point ce projet car ça n’avait jamais été fait avant. Sur scène, on met un peu plus de temps à faire les balances qu’avec un groupe de rock classique, mais ensuite, je suis sur scène avec mon contrebassiste et puis le reste, c’est une batterie entière complètement automatisée, des percussions, congas, xylophone, même triangle, un piano mécanique, des doubles marimbas, évidement la pièce centrale : The Organ King, un grand orgue de barbarie chromatique qui trône au centre de la scène et, comme ça, tout un tas d’autres instruments, tous automatisés. C’est un truc de fous !


Retrouvez F.M.
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A lire aussi sur Froggy's Delight :

La chronique de l'album A dream or two de F.M. (New Popular Music)
La chronique de l'album The Organ King de F.M.
L'interview de F.M. (février 2008)

En savoir plus :
Le site officiel de F.M.
Le Myspace de F.M.
Le Facebook de F.M.

Crédits photos : Thomy Keat (Toute la série sur Taste of Indie)


Eric Perney         
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