Comédie dramatique de Ivan Viripaev, mise en scène de Sarah Tick, avec Marine Behar, Pierre Antoine Billon, Anne Laure Gofard, Héloïse Lesimple, Yoann Piquet et Ulrich Vantillard.
Pour sa première création, la jeune Compagnie Le Chant des Rives a choisi "Les rêves" de Ivan Viripaev qui appartient à la génération des dramaturges nés dans les années 1970 qui croit réinventer le théâtre par la déconstruction des structures du théâtre "classique" et s'inscrit dans la mouvance russe du "Nouveau Drame".
Celui-ci, convaincu d'élaborer une façon nouvelle d'écrire pour le théâtre en substituant le procédé du collage et le travail sur le rythme et la sonorité des mots au sujet, à la linéarité et à la psychologie des caractères, laboure un terrain déjà défriché, et de belle manière, par les avant-gardes du début du 20ème siècle, des dadaistes aux constructivistes et ensuite par les expérimentations formelles du théâtre des années 70 sous influence du Living Theater.
Dans "Les rêves", Ivan Viripaev traite d'une thématique qui, par essence, dispense de toute logique et prédispose au montage kaléidoscopique, celle du rêve et ce, sous l'angle de l'expérience onirique "sous acide" qui à l'inverse du but recherché de beauté, d'amour et de liberté partagés - le nirvana de la Beat generation - exacerbe l'incommunicabilité et conduit à l'enfermement morbide.
La partition se compose de l'imbrication des divagations hallucinées de cinq "rêveurs" qui sont autant de simples collages de mots récurrents ou de fragments textuels à la syntaxe minimaliste qui va rarement au-delà du sujet /verbe au contenu sémantique qui, selon la sensibilité du spectateurs, relève de l'indigence ou de l'art poétique.
Pour mettre en scène "l'écriture poétique et allégorique de Viripaev ancrée dans une action concrète et dans une parole factuelle", Sarah Tick signe un ambitieux et cohérent travail conceptuel qui ressortit au théâtre performatif pratiqué par la "jeune création contemporaine émergente".
Il faut saluer les jeunes comédiens - Marine Behar, Pierre Antoine Billon, Anne Laure Gofard, Héloïse Lesimple et Yoann Piquet - totalement investis dans un dramaturgie du corps très "physique" - qui parviennent à mener de front la scénographie de François Couturier et Amélie Lengrand conçue comme un lego tubulaire à monter en direct live et la restitution d'un texte à la mémorisation certainement laborieuse en le rendant audible, et ce, sans crier, malgré un habillage sonore omniprésent et ininterrompu de techno beat exécuté au pupitre par Ulrich Vantillard qui ravira les adeptes de rave party. |