Fait établi depuis quelque temps maintenant, la culture pop est du genre intemporelle. Ainsi, chaque génération se construit ses propres standards sans pour autant dénigrer les faits d’armes de leurs aînés. Le tout bien sûr, favorisé par le phénomène internet qui conduit beaucoup de gens à consommer de façon boulimique toutes formes d’arts véhiculées à travers les écrans.
C’est une réalité que les musiciens pop de la génération distillent dans leurs productions, de façon consciente ou non, atteignant ainsi sans trop de difficultés les oreilles à travers le globe.
Venu du Danemark, Karen Marie Ørsted est le genre de chanteuse qui est à la fois l’un des maillons, mais aussi le produit de ce flux autour de la culture pop. D’abord repérée avec son single "Pilgrim", production sensible et sombre et qui lui valut une reconnaissance bien placée ainsi qu’une série de remix (dont un du duo New Yorkais de MS MR), MØ achevait son premier coup de semence avec son très efficace "Waste Of Time" et son clip à l’iconographie d’adulescent, avant de sortir son premier EP Bikini Daze, le 18 octobre dernier.
S’ouvrant sur une collaboration avec Diplo, "XXX 88" permet à la chanteuse d’exploiter une certaine mièvrerie présente dans sa voix qu’elle confirme avec ses lyrics flirtant du côté des amours adolescents. Production imparable qui jongle entre un rythme sensuel, parfois Trap, et des chœurs offrant une rigidité aux relents militaire à l’ensemble, ce titre est à désigner, sans hésitation, comme l’un des titres les plus importants dans la courte discographie de la jeune chanteuse, tant on y retrouve l’essence même de la musique de la danoise.
Et en effet, tout est là, puisque MØ s’applique en réalité à faire de sa pop une entité sûre d’elle, rôdant derrière les productions trop faciles et largement diffusées en radio, pour fondre sur elles comme un serpent sur ses proies. Ainsi, chaque son ingéré puis digéré et finalement restitué à travers sa propre vision, c’est une déconstruction puis une reconstruction biaisé qui reste pour le moins imparable aux oreilles. Autrement dit, elle donne naissance à une musique pop à partir des morceaux de cadavres sonores qu’elle glane ici et là, sorte de Frankenstein mettant en place des créations qui se veulent originales à partir de charpie ressassée sur les ondes radios.
"Never Wanna Know" ? C’est alors du Lykke Li, ou plutôt ce que MØ en fait, une sorte de litanie amoureuse bloquées entre deux basses alors que le titre "Dark Knight", avec son beat qui mêle hip-hop, influences exotiques, lignes électro et cuivres prend la forme d’une production inspirée par toute une toile complexe d’influences, s’étendant entre Of Monsters and Men et M.I.A., en passant par DangerMouse.
Si le rendu peut être inégal d’une piste à une autre, on ne peut nier avoir accroché plutôt deux fois qu’une à ce bijou pop, pleinement conscient de l’environnement dans lequel il évolue. Bikini Daze marque peut-être MØ comme une adulte mal dégrossie, mais aussi comme étant une artiste réussie, qui joue de son image comme de ses textes, offrant à l’un comme à l’autre plusieurs niveaux de lecture la marquant d’emblée comme une femme à la fois sensible et forte. Comme sa musique somme toute. |