Traiter de la musique de Sky Ferreira tient de la gageure, tant la personnalité publique abonnée aux tabloids, ainsi que ses faits et gestes ont pris le pas sur la prometteuse chanteuse que l’on avait découvert en 2009. Sans même mentionner l’aversion que l’on peut avoir envers la musique pop… Et pourtant, le maintes fois retardé et très attendu Night Time, My Time s’avère être un objet musical se situant à des lieux de la mauvaise presse qu’on lui impose systématiquement.
Si les EP Ghost et As If marquaient Sky comme une chanteuse pop avérée, avec NTMT elle offre à sa musique un aspect plus sombre et brut, qu’elle double avec un style vestimentaire pioché dans la garde-robe d’Alison "VV" Mosshart.
Dès son premier single, l’entraînant "You’re Not The One", on avait le droit à des batteries puissantes et des rifts de guitares électriques qui s’imposaient sans difficultés dans un imbroglio bienvenu à sa voix pourtant légère, presque fleurie. C’est que la chanteuse, comptait bien avec ce titre, donner le "la" à tout l’album.
Ici, le son pop de SF s’accorde plus d’espace et livre dans la foulée une production léchée pleine d’énergie. Non contente d’être distillée progressivement, un peu comme une perfusion s’écoulant en sourdine, cette énergie prend la forme d’un cutter pour dessiner un profil artistique à la chanteuse, avec des titres réussis comme "Omanko" et "Heavy Metal Heart". Suffisamment affuté en réalité pour parfois prendre la forme d’une lame à double tranchant.
Si ce changement de conduite ne sera flagrant que par intermittence, c’est que des titres comme "Kristine", "24 Hours" ou "Love in Stereo" agissent comme des écrans de fumée pop/électro rentrant en écho avec ses deux EP et ainsi qu’avec les judicieuses productions que lui avait offertes Dev Hynes.
Plus novatrice, la piste éponyme "Night Time, My Time" permettra aux détracteurs de la pop-rose-bonbon de se pencher sur celle à la teinte plus blafarde que prend celle de Sky sur un titre que l’on sent moins naturel à sa voix. Sa répétition à la fois lascive et lassée des paroles "faster, faster", parfois presque dictées d’un ton monocorde, pouvant se prêter à la perfection à la bande son d’un film du même Gaspard Noé qui lui tirait le portait pour la pochette de son album.
Quand le fond est pop, la forme se veut plus rock (ne serait-ce que dans un souci de style et d’image) et comme lors de la consommation d’un plaisir que l’on sait coupable, on se retrouve à hésiter un court instant avant de prendre sa musique à bras le corps. Et c’est justement là, le plus grand atout de Sky Ferreira : qu’importent les potins, les scandales et les préjugés, la chanteuse jouit d’un charisme et d’un magnétisme indéniable, qui n’est pas tant le fruit de son physique que celui de son talent et qui continuera, très probablement, à lui construire sa légende. |