Radio Néo est une jeune radio parisienne qui fait parler d'elle. Consacrée aux jeunes talents français et francophones, elle lance cette année sa première compilation Et si on arrêtait d'écouter de la soupe? qui, sur 2 cds, explore la scène française émergente.

Il était donc indispensable d'en savoir plus et Stéphan Paris, co-fondateur et directeur, a bien voulu nous accorder cette interview exclusive.

Comment a été créé Radio Néo ?

Stéphan Paris : Radio Néo c’est d’abord une aventure humaine qui est née de l’initiative de 3 personnes qui étaient déjà amies, qui étaient des professionnels de la musique et de la radio Eric Baptiste était directeur général de RFI, Enrico Della Rosa qui s’occupe des Victoires de la Musique et moi-même qui était journaliste sur 95.2 à l’époque où cette radio était une city radio commerciale. Cette radio périclitait et quand elle a disparu et que la fréquence s’est libérée nous avons déposé un dossier au CSA qui nous paraissait simple, presque de salubrité publique qui était de défendre les nouveaux talents français et francophones qui arrivaient souvent sur les bureaux des programmateurs radio et qui étaient rarement diffusés. Et je sais de quoi je parle puisque je faisais partie des journalistes qui récupéraient tous les CDs qui n’étaient pas diffusés. Et j’en récupérai beaucoup et des choses plutôt intéressantes.

Voilà comment est née cette radio musicale avant tout qui défend la scène française et francophone émergente. Aujourd’hui, le projet n’a pas tellement évolué dans son concept. Nous défendons toujours la même chose mais nous nous sommes rendus compte que nous avons un format musical plus mature. Il faut en effet plusieurs années pour avoir une couleur musicale qui a trouvé ses marques, qui soit fluide et qui permet d’attirer le curieux sans pour autant diffuser à certaines heures de la journée des titres trop excluants. Il faut rester accessible. Comme nous étions au départ une fréquence partagée, nous avions fait le choix de ne pas avoir d’émissions thématiques mais un programme musical avec des rendez-vous qui se sont créés progressivement au cours de ces 3 années et qui tournent autour de la musique et de tout ce qui est culturel. Puisque la musique peut aussi s’inscrire dans des performances ou des événements comme les concerts.

Donc dans l’ordre, une programmation musicale que nous avons souhaité asseoir, et que nous avons très fortement travaillé pour avoir le mélange actuel, que nous espérons réussi, qui est une dominante rock avec des nuances de reggae, ragga, électro, guinguette, musette et même métal après 21 heures. Nous avons créé des rendez-vous avec 6 chroniques quotidiennes multidiffusées autour des artistes que nous programmons pour parler de leurs scènes et des structures qui peuvent leur permettre d’obtenir des subventions.

Nous nous rendons compte avec le temps que nous sommes une radio un peu transgénérationnelle. Le format chanson rock fait coexister 2 publics : les très jeunes et les quadras. Cela nous fait plaisir. Ce n’était pas le but, car nous n’avions pas de cible privilégiée car nous pensons que la curiosité n’a pas d’âge. Mais il est vrai aussi que nous ne programmons pas de death metal à 7 heures du matin car nous souhaitions intéresser un large public à la nouvelle scène musicale française. Donc a priori les enfants comme les parents peuvent écouter Néo !

Avant d’aborder la programmation, nous pouvons peut être évoquer l’aspect chiffres, certes factuels mais toujours intéressants, c’est-à-dire en termes d’audience.

Stéphan Paris : Sur les chiffres, l’audience a bien évidemment considérablement augmenté. Au départ, les auditeurs c’étaient nos familles respectives, puis le cercle s’est élargi aux artistes programmés, à leurs amis et ainsi de suite. Grosso modo, Radio Néo est une radio qui s‘est fait connaître par le bouche à oreilles. Et nous en sommes très fiers car c’est une radio qui s’est faite apprivoisée, les auditeurs se la sont appropriées et on le voit avec le courrier des lecteurs. Nous ne l’avons pas imposée. Nous n’aurions pas pu faire des 4x3 pour imposer un format comme peuvent le faire d’autres radios. Cela se fait en douceur exactement comme la construction de nos programmes et sur la longueur. Nous essayons de proposer un programme de qualité qui ne soit pas racoleur et d’être cohérent dans notre démarche globale.

Avez-vous une idée de votre audience ?

Stéphan Paris : Aujourd’hui, à partir de sources croisées, nous avons autour de 30-40 000 auditeurs. Tout cela sera confirmé dans les 6 prochains mois puisque nous allons être intégré dans un panel 75 de médiamétrie. Les retours que nous avons notamment de répercussions sur les partenariats ou sur les opérations que nous montons nous confortent sur ce chiffre.

Quelles sont les plages d’émission de Radio Néo et ses perspectives futures ?

Stéphan Paris : Les tranches actuelles sont 7h-14h et 19h-23h. C’est 11 heures d’antenne ce qui nous satisfait même si défendre un format à mi-temps est toujours un peu frustrant. Pour le moment, il n’y a pas de perspective d’émission continue sur la fréquence 95.2. Et pour le CSA, les possibilités de libération de fréquences sont très minces.

Vous rappeliez que Radio Néo était le projet de personnes qui ne trouvaient pas ce qu’elles cherchaient sur d’autres radios. Comment se positionne Radio Néo par rapport aux autres radios musicales ? Et avez-vous trouvé votre créneau pour vous en démarquer ?

Stéphan Paris : Le succès de la programmation artistique, ou du moins la reconnaissance que nous pouvons avoir à partir des témoignages d’auditeurs et les réactions de la profession et la collaboration notamment avec France Culture est le fruit de 2 personnes qui sont chargées de la programmation : Thierry Voyer et moi. Nous avons une culture et une écoute différentes ce qui constitue une bonne complémentarité. Thierry a une écoute plutôt musicale et intellectuelle de la musique et moi j’ai une écoute plutôt radiophonique des titres. Nous pouvons avoir des opinions différentes qui se rejoignent parfois et qui, en tout état de cause, concourent ce cocktail à la fois accessible et éclectique qui nous espérons sait captiver les auditeurs.

Alors justement comment se fait cette programmation ?

Stéphan Paris : Nous sommes plusieurs à réécouter les choix que nous faisons et nous prenons le risque de passer plus d’artistes que d’en passer moins. La dualité permet d’avoir du recul sur ce que nous programmons c’est-à-dire de programmer un artiste qui par exemple ne me plaît pas particulièrement, et de ne pas coller uniquement à sa sensibilité personnelle. Chacun est le garde-fou de l’autre.

Quelle est la participation de vos animateurs à la programmation ?

Stéphan Paris : Nos animateurs sont des bénévoles avec lesquels nous nous réunissons tous les 2 mois pourparler du fonctionnement de radio Néo qui est une association, des actions que nous menons et pas seulement de la programmation. A cette occasion, nous leur demandons leur sentiment sur la programmation. Mais la programmation est centralisée. Programmer dans tous les styles n’est pas aisé et si nos 40 animateurs y participaient chacun avec sa sensibilité cela deviendrait ingérable. Et je dis ingérable en connaissance de cause car il y a 2 ans nous avions fait une tentative et il s’est avéré impossible de croiser les choix. Etre programmateur, c’est un métier, c’est choisir un artiste que l’on pense pouvoir plaire à des auditeurs.

Comment recrutez-vous vos animateurs ?

Stéphan Paris : Souvent, ils viennent nous voir et déposent un CV. Il n’y a pas de critères de recrutement mais nous ne souhaitons pas avoir 250 bénévoles car nous ne pourrions pas leur proposer des choses intéressantes. Nous préférons en avoir peu et leur proposer des travaux et des missions valorisantes. De plus, nous essayons de nous positionner comme un média qui structure et qui apporte quelque chose. Nous formons tous les bénévoles au départ. Et jusqu’à présent, nous n’avons pas eu besoin de recruter parce que les gens viennent à nous. Et nous préférons cette formule au terme de laquelle les gens viennent nous voir par affinité. Il faut qu’ils soient motivés et qu’ils soient capables de travailler en équipe. Nous tendons à devenir une grande famille et la bonne entente est importante pour l’équilibre interne.

Radio Néo est une radio musicale mais vous avez élargi votre rayon d’action en intégrant des chroniques culturelles (l’agenda culturel), la vie étudiante et même l’actualité au sens large (Paris s’éveille). C’est ambitieux. Radio Néo a-t-elle les moyens de ses ambitions ? Et envisagez-vous encore d’autres extensions ?

Stéphan Paris : Ce n’est pas tellement un problème d’ambition. En fait, il nous manquait des chroniques pour des sujets qui concernaient la radio associative non commerciale que nous sommes. Il y a des sujets d’actualité et de citoyenneté que nous souhaitions aborder. D’où la création de ces chroniques informatives. Et c’est l’agenda étudiant qui, une fois par semaine, cède sa place à d’autres rubriques.

Ces rubriques nécessitent un gros travail en amont pour recueillir l’information avant de la restituer ?

Stéphan Paris : Nous remercions Internet ! Nous sommes bien structurés et nous recevons beaucoup d’informations par le net. Nous faisons une pré-sélection et basculons les informations pertinentes sur les personnes chargés des rubriques. Ensuite, le journaliste décide de ce qu’il va retenir. Ainsi par exemple, pour l’agenda concert, on ôte les informations concernant les artistes qui ne sont pas présents dans la programmation ou qui ne présentent pas un intérêt proche de la programmation.

Vous avez évoqué le partenariat. Vous avez effectivement un partenariat intéressant tel celui avec France Culture ou la FNAC. Comment est né ce partenariat ? En êtes-vous à l’origine ou est-ce l’intérêt qu’a suscité Radio Néo qui a fait naître les propositions ? Et comment cela se développe-t-il ?

Stéphan Paris : Il y a des partenariats qui sont venus par la force des choses mais très souvent du fait d’une personne qui écoutait Radio Néo. Le partenariat FNAC est intervenu par le magazine des abonnés de la FNAC dans lequel il y avait un article de Rodolphe Buet, le directeur disques et vidéo de la FNAC, dans lequel il parlait des disques autoproduits soutenus par la FNAC et dénonçait en filigrane la présence insuffisante des diffuseurs pour les nouveaux talents notamment autoproduits.

Je lui ai donc envoyé un dossier de presse en lui proposant de lui faire visiter la radio et surtout en portant à sa connaissance l’existence de Radio Néo au niveau de l’Ile de France. Or, il s’est avéré que son assistante écoutait Radio Néo et cela a donc du aider à appeler son attention. Pour France Culture, c’est l’assistant à al directrice des programmes qui écoutait Néo et qui a proposé directement à Laure Adler de travailler sur le sujet des nouveaux talents français et francophones. Un rendez-vous a été organisé et les choses se sont mises en place. Nous avons été très flattés de leur proposition.

Vous émettez également sur le web. Qu’en est-il au niveau de l’audience ?

Stéphan Paris : Nous avons eu de très bons retours sur le web mais l’audience pour le moment n’est pas communicable car nous avons eu des soucis techniques. Nous avions environ 15 000 connexions par mois. Nous avons donc changé de machine et nous relançons donc cette webradio.

Avec 3 ans de recul, quels sont les artistes parmi ceux auxquels vous avez cru ou que vous savez soutenu qui ont émergé ?

Stéphan Paris : Les plus connus. Nous n’avons pas été les seuls ni parfois le premiers parce que d’autres radios ont de moyens plus importants que les nôtres. On peut citer Delerm, Benabar, Sansévérino, Cali, Olivia Ruiz, Mickey 3D.

Et aujourd’hui fondez-vous de belles espérances sur quelques noms ?

Stéphan Paris : En fait, le panel le plus représentatif est composé des artistes qui figure sur la compilation, de Radio Néo.

Cette compilation est très éclectique et regroupe des artistes qui pour certains ne sont pas des nouveaux venus.A quel besoin ou envie répond s réalisation ,

Stéphan Paris : Beaucoup de personnes se sont étonnées que nous n’en ayons pas fait avant. Il est vrai que nous aimons faire les choses dans l’ordre, progressivement et plutôt bien. Productions Spéciales était venu nous voir il y a un an pour nous faire un petit appel du pied en ce sens. Nous avons pensé que le moment était venu pour pouvoir proposer quelque chose de structuré et de représentatif de la programmation de Radio Néo.

Nous avons choisi de sortir 2 CDs car un seul aurait été insuffisant pour réunir tous le styles que nous défendions. Le premier Cd est plutôt chansons et le second est plus orienté rock, électro, world. C’était également un bon moyen de clôturer 3 ans de programmation et de découverte set pour prolonger la visibilité des artistes que nous défendons et notre action tout simplement. Et nous sommes très satisfait du track listing. Nous avons eu le soutien des artistes te des maisons de disques pour que cela puisse se faire de manière simple et à des taux intéressants car nous n’avons pas les moyens de faire des avances aux artistes.

Comment s’est fait le choix de cette compilation "Et si on arrêtait d’écouter de la soupe" ?

Stéphan Paris : Nous avions plusieurs idées au départ. Nous savions que nous risquions d’être noyé dans la masse des compilations qui sortent même si nous sommes distribués par la FNAC donc nous souhaitions faire quelque chose d’un peu dérangeant ou tout du moins qui interpelle visiteur qui se promène chez les disquaires. C’est Faustine Urbain, une bénévole de Radio Néo, qui a eu cette idée brillante. Et C’est Hannibal Guy qui a conçu le nouveau logo. Et nous sommes satisfait du résultat car nous voulions quelque chose d’épuré, de parlant, d’interpellant, un peu à l’image de la radio.

Vous preniez un risque également avec ce titre parce que ce que l’on écoute c’est toujours de la soupe pour quelqu’un d’autre.

Stéphan Paris : Je pense que le risque est très faible à une époque où on peut trouver des filles à moitié nues sur des pochettes de disques. Nous allons pas très loin dans la provocation. Et puis la soupe c’est très bon encore faut-il ne pas en manger tous les jours. Le titre est plutôt un appel à la diversité et à la multiplicité plutôt qu’une critique sur les autres. Nous n’avons jamais attaqué qui que ce soit. Ecouter quelque chose de différent permet de conserver un palais averti.

Il est sans doute prématuré de vous demander si le retour est bon quant aux ventes ?

Stéphan Paris : Nous avons quelques indications sur les ventes mais cela démarre relativement fort car nous sommes bien placés dans les compil rock voir même très bien placés et le ventes semblent meilleures en province qu’à Paris. Cela qui est très révélateur car cela que le choix que nous avons fait n’est pas du parisianisme.

Faut-il voir dans cette compilation les prémisses d’un label Radio Néo ou d’une estampille Radio Néo ?

Stéphan Paris : Cela peut être envisageable mais nous ne nous sommes pas encore posé la question. Nous avons bien sûr des idées pour un volume 2 et nous avons des propositions mais pour le moment nous nous consacrons à cette compilation pour mener le projet à son terme.

Vous avez organisé une soirée en janvier 2004. Quelle en était a finalité ?

Stéphan Paris : C’était notre première tentative pour faire un concert. Le projet était lourd dès le départ puisque la salle est de grande contenance et nous avait proosé un rendez-vous mensuel et nous ne sommes pas vraiment équipés au niveau du matériel pour faire des concerts. C’était un peu lourd mais le projet est toujours sur le haut de la pile de projets te s’orienterait plutôt vers un projet de collaboration sur la programmation dans certaines salles. Mais ce serait dans la logique des choses de poursuivre dans cette voie.

Vous parliez d’une pile de projets. Quels sont ceux dont vous pouvez nous parler ?

Stéphan Paris : Radio Néo pleine fréquence….et puis cette compilation disque d’or …non je plaisante. La pleine fréquence est bien sûr un projet sérieux pour lequel nous espérons être un jour entendus par les autorités en place.

Malgré votre emploi du temps très chargé, avez-vous le temps d’aller voir des artistes en concert ?

Stéphan Paris : En fait, notre fonctionnement est particulier et cela marche bien. Nous sommes des programmateurs radios et nous nous occupons, en toute objectivité, des disques que nous recevons. Nous ne sommes pas influencés par la scène. Ce sont les bénévoles qui assistent aux concerts et qui nous en parlent ensuite.

Combien d’albums ou maquettes recevez-vous ?

Stéphan Paris : Sur 2003, nous avons reçu 3 500 albums. Nous avons programmés 800 artistes et diffusé 1 200 titres. Nous en recevons de plus en plus, entre 60 et 100 par semaine.

Et votre avis subjectif sur ce que vous recevez ?

Stéphan Paris : C’est par vagues. Mais nous trouvons que la production musicale, la créativité te l’originalité sont toujours au rendez-vous. Je n’ai pas constaté de changement. Nous recevons beaucoup de projets embryonnaires mais il faut aussi savoir que l’autoproduction a beaucoup évolué. Certaine sont une structure très rodée, avec un bon circuit de distribution, un tourneur et qui pèsent lourds. Le terme autoproduction se professionalise. Nous travaillons beaucoup avec les labels indépendants (65%). Les majors représentent 23 % et le reste c’est de l’autoproduction. La part d’autoproduction a un peu augmenté mais nous avons encore des artistes qui ont été signés et qui ont du mal à être diffusés

Vous programmez des artistes français qui chantent en anglais. Quel est le pourcentage ?

Stéphan Paris : Nous privilégions la chanson française et francophone qui représentent 70%. Mais nous programmons également des chanteurs français qui chantent en anglais.

Avez-vous eu un coup de coeur ?

Stéphan Paris : Le coup de cœur du moment c’est Nosfell qui est un ovni brillant.