"Ma voix ne porte plus très loin", "Autoportrait en Henri Calet".
Il y a des musiques qui coulent sur vous comme la pluie d’hiver sur les carreaux, ne laissant que de vagues traces. Il y a des musiques, où l’on sait dès les premières écoutes qu’elles vous habiteront pendant longtemps. Si proches de vous, si proches de votre propre intimité qu’elles semblent avoir été écrites pour vous, par vous. Ce fut le cas à plusieurs reprises cette année, et dans des styles complètements différents avec Regarde Le Ciel d’Aline ou le triple album de Mendelson. C’est le cas avec ce Courage Inutile d’Orso Jesenska.
On ne parlera pas ici, de la superbe pochette, truisme, de Stéphane Merveille, la série des Fragments chez Monopsone par exemple, c’est lui, en forme clair-obscur organique, ou des très belles images signées Greg Bod qui accompagnent ce disque. A peine oserais-je vous parler de cette nuit, où j’ai découvert ce disque. Une nuit devenue blanche, où les mots, les mélodies délicates d’Orso Jesenska défilèrent inlassablement pour ne plus me quitter. Une nuit où le disque est devenu les reflets de mes émotions. Orso pour l’ours et Jesenska pour l’écrivaine Tchèque.
Orso Jesenska donc, natif de Marseille, compose, arrange, chante des chansons qui empruntent les mêmes chemins que Dominique A (comme une évidence), Bertrand Betsch, Mendelson, Pierre Barouh ou Yves Simon. Beaucoup de choses commencent au lycée. Alors que d’autres reprennent Nirvana, lui est porté par le renouveau de la chanson française, emmené par le label Lithium, mais aussi par Smog, Bonnie Prince Billy ou Palace. C’est l’époque des premiers titres, des premières démos. Le décor, présent dans ce disque date justement de cette période.
Julien Rochedy, c’est donc son nom, n’est pas que musicien. Il est aussi sculpteur, peintre pointilliste ou fauviste des serrements, errements du cœur. Un courage inutile, c’est la tempête et la passion, mais sous couvert de mélodies comme de la dentelle, presque fragiles, tout du moins graciles et d’arrangements d’une fine élégance. Une infinie poésie du verbe, une sensibilité musicale à fleur de peau, la pudeur de la mélancolie. Un courage inutile est la promesse d’un grand auteur, et pour vous de moments habités. |