Pendant trois étés, de 2008 à 2010, sur les antennes de France Inter, les comédiennes Léonore Chaix et Flor Lurienne dispensèrent aux auditeurs matutinaux du week end des chroniques humoristiques, placées sous l'égide tutélaire des fameux "diablogues" de Roland Dubillard.
Elles mettaient aux prises une journaliste-aminatrice radio avec des invités pour le moins singuliers et inhabituels puisqu'il s'agissait des mots à qui, usant de de la prosopopée, elles prêtaient non seulement la parole mais une pensée.
Des mots dont elles proposent, au gré de mises en situation à chaque fois différentes, l'interview mais une interview contradictoire qui tient de la radioscopie de Jacques Chancel, du divan de Henri Chapier et du talk-show polémique de Michel Polac avec l'impertinence provocatrice à la Thierry Ardisson, dans laquelle elles éprouvaient la définition officielle du dictionnaire à la réalité du langage contemporain et à l'acuité des faits et des moeurs.
C'est malin, cocasse, drôle, intelligent, espiègle, truffé de références érudites et surtout jubilatoire car si la journaliste n'a pas sa langue dans la poche les mots ont du répondantles dames ont de l'esprit et la plume alerte et manient l'ironie avec autant de légèreté que de sagacité.
Les auditeurs ne s'y sont pas trompés de même que la SCAM qui leur a décerné le Grand Prix de la meilleure oeuvre radiophonique 2009 et elles ont eu la bonne idée de puiser dans ce thésaurus pour en transposer sur scène un florilège sous le titre "Déshabillez Mots" qui, là encore, a été plébiscité par le public.
Pour ceux qui n'étaient ni à l'écoute ni dans les salles, pas de panique. Ayant fait l'objet d'une adaptation littéraire, les chroniques originales ont été publiées.
"Déshabillez Mots" est un régal et, une fois n'est pas coutume, la quatrième de couverture n'est pas inconsidérément laudatrice en promettant "un moment de rire exceptionnel".
Une cinquantaine de mots sont ainsi poussés dans leurs retranchements à travers de roboratifs dialogues en ping pong à (re)découvrir de manière homéopathique pour faire durer le plaisir.
Au sommaire, entre autres, les péchés capitaux avec la colère, fille de la frustration qui veut devenir la justice, et la paresse, que l'on cache sous le lit comme un fruit défendu, les troubles de l'humeur avec le stress, la star vêtue de strass qui veut exterminer la carcasse humaine, et la mélancolie, la dévoreuse de vie qui guette ses proies quelque part entre le dégoût et le mépris de la vie, et les sentiments.
De la première fois, promesse d'un souvenir sous les jupes de laquelle se cache l'absolu, à la rupture, la sadique au sécateur, en passant par le baiser qui travaille pour le désir, la passion qui s'immole devant l'amour, l'érection, qui avec sa puissante fragilité est un oxymore sur pattes, oxymore sur pattes, et la jalousie, en camisole de force après l'abandon par l'amour, Flor Lurienne et Léonore Chaix livrent une déclinaison contemporaine particulièrement piquante de la Carte du Tendre.
Et bonne nouvelle pour les "strip-textes addict" : depuis novembre 2013, le facétieux duo sévit dans un nouveau spectacle intitulé tout simplement "Déshabillez Mots n° 2" composé d'effeuillages textuels inédits. Car les dames en ont encore sous la plume.
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