Monologue dramatique écrit et interprété par Souria Adele dans une mise en scène de Alex Descas.
Le récit autobiographique de Mary Prince, esclave, fille de parents esclaves, née en 1788 dans l'archipel des Bermudes devenue colonie anglaise où se pratiquait l'esclavage dès le début du 17ème siècle, constitue un témoignage terrible et terrifiant.
Elle a survécu grâce à la foi et à sa venue au Royaume-Uni où son histoire sera publiée en 1831, deux ans avant l'abolition de l'esclavage par le parlement anglais, sous le titre "The History of Mary Prince, a West Indian Slave. Related by Herself".
Comédienne originaire de la Martinique, Souria Adèle s'est totalement investie dans ce projet d'adaptation scénique au plus près du texte original, qu'elle signe avec Emma Sudour, pour donner voix à son terrible destin dans le cadre d'un théâtre mémoriel qui rappelle que la terre des Bermudes, comme celle des îles des Caraïbes, avant de devenir un paradis fiscal pour milliardaire et une destination touristique de rêve, a été irriguée du sang et des larmes des esclaves.
De plus, alors que l'esclavage a été mondialement officiellement et juridiquement aboli, dans un monde gangrené par la marchandisation et la barbarie, ce douloureux chapitre de l'Histoire de l'Humanité connait des résurgences contemporaines avec le trafic d'êtres humains et les révélations récurrentes de cas d'esclavage moderne au point où, en France, une loi votée en 2013 a dû rappeler l'interdiction de l'esclavage, la servitude et le travail forcé en les qualifiant d'infractions pénales.
Le destin de Mary Prince est atroce. Car si ce n'est ses premières années où elle servait de compagne de jeux aux enfants d'un "bon" maître, son sort n'est pas de celui d'un personnel domestique pléthorique de maisons de planteurs bienveillants tel que parfois véhiculé par la littérature romanesque.
Parce qu'il ne s'agit pas simplement d'un statut qui constitue un crime contre l’humanité. Parce qu'elle est considérée comme une marchandise achetée, vendue, louée, troquée au gré de la mauvaise fortune ou des investissements de ses propriétaires successifs. Parce qu'elle est exploitée pour sa force de travail jusqu'à l'épuisement pis qu'une bête de somme.
Parce que de surcroît, "de boucher en boucher", elle est rouée de coups pour la moindre peccadille. Parce qu'à la maltraitance quotidienne s'ajoutent de véritables actes de torture et de barbarie perpétrés par des maitres, et des maitresses car les femmes ne sont pas en reste, psychopathes qui peuvent assouvir leurs pulsions meurtrières à bon compte et en toute impunité.
Ni harangue politique ni auto-apitoiement larmoyant, la parole de Mary Prince est d'une intensité dramatique poignante parce que factuelle et sans pathos, presque distanciée, elle expose une réalité insoutenable.
Sous la direction de Alex Descas et les seules lumières crépusculaires de Agnès Godard, sans effets de jeu qui seraient hors de propos, la partition est sublimée par Souria Adèle qui la dispense idéalement sans incarnation naturaliste ni déploration. |