Comédie dramatique de Samuel Beckett, mis en scène par Jean-Claude Sachot, avec Philippe Catoire, Marie Henriau, Jérôme Keen et Gérard Cheylus (en alternance Pierre Sourdive).

Tout a sans doute été dit de l'oeuvre de Samuel Beckett et cependant une de ses pièces majeures et emblématiques qu'est "Fin de partie" peut encore donner lieu aujourd'hui, nonobstant l'abondance des didascalies qui enserrent la partition, à des approches différentes voire antinomiques.

Ainsi en 2013 à quelques semaines d'intervalle se succédaient la version noire de Alain Françon au Théâtre National de l'Odéon et celle lumineuse de Bernard Lévy au Théâtre Athénée-Louis Jouvet.

Au Théâtre du Nord-Ouest, Jean-Claude Sachot, qui présente cet opus en diptyque avec "En attendant Godot", opte pour le registre de la tragi-comédie et force est de constater que cela fonctionne bien, pour le meilleur et pour le rire.

Effectivement, Beckett avait de l'humour, et les réparties des quatre personnages qui interviennent dans ce huis-clos burlesque incitent souvent au rire. "Fin de partie" c'est une journée d'une atypique famille, composée de trois générations claquemurées dans un misérable bouge, rythmée par les diktats de Hamm, un homme sans âge cacochyme, paralytique et aveugle.

Tyran domestique momifié sur sa chaise percée érigée en trône dérisoire - à qui Philippe Catoire, magistral et "hénaurme", donne la figure d'un clown tragique doublé d'un infâme cabotin - et aussi grandiloquent et mesquin prince sans royaume et petit enfant avec son chien en peluche-doudou, il persécute son entourage qu'il tolère parce qu'indispensable pour lui donner la réplique dans cette interminable comédie de la vie.

Une vie qui s'écoule comme on tourne les feuilles formatées de l'éphéméride, avec ses journées inlassablement identiques, et qui ne commence pas comme la ritournelle de la fameuse publicité pour un café-chicorée soluble ("Le soleil vient de se lever, encore une belle journée...") mais par une sentence métaphysique sans appel : être sur terre est sans remède, "la fin est dans le commencement et pourtant on continue".

Hamm continue avec ses géniteurs, éternels amoureux qui n'ont jamais été parents, deux vieux momifiés en jeunes mariés dans leur costume de noce - Marie Henriau et Gérard Cheylus tous deux irrésistibles - devenus culs de jatte suite à un accident de tandem qui sont relégués dans des bidons-poubelles, mouroirs et préfigurations des cercueils futurs.

Mais surtout avec son factotum valide, son fils adoptif et serviteur qu'il siffle comme un chien. Clov le soumis - génial Jérôme Keen - qui comme tous les soumis sait qu'il tire les ficelles et qu'il pourrait partir mais il est aussi partie prenante dans ce jeu de rôle dans lequel il ne se passe rien. Et puis demain sera-t-il vraiment le même jour ?

Avec une direction d'acteur au cordeau et une distribution émérite, Jean-Claude Sachot donne à (ré)entendre Beckett.