Si avec son avant-dernier album Annie Clark explorait avec son jeu de guitare aux doigts nerveux des espaces sonores plutôt éthérés, l’album éponyme St. Vincent apparaît sur des territoires plus inattendus. A croire que sa collaboration avec David Byrne l’a inspirée, puisque toute une panoplie sonore proche de l’ancien Talking Heads est présente en arrière-plan.
Le futurisme, quant à lui, se fait tout à la fois, propos, let motive et cheval de bataille. Depuis la pochette de l’album qui jouit d’un minimalisme travaillé, jusqu’au single "Digital Witness" qui dénonce l’embrigadement aux nouvelles technologies et à la télévision. Et comme un certain Marilyn Manson le faisait déjà (même couleur de cheveux à l’appui) dans le clip "I Don’t Like Drugs", elle en profite pour dénoncer son aspect abroutissant.
Appelez cela un pied de nez ou une farce fantasque, mais s’attaquer ou plutôt mettre en lumière l’omniprésence de la technologie ne signifie pas pour autant que Clark a remisé ses claviers et autres câblages complexes aux placards. Il suffit d’entendre le titre démentiel "Bring me Your Love" pour s’en persuader. Guitares ou non, le jeu éclectique et tout aussi épileptique de l’artiste n’hésite pas à singer tout une machinerie prise de folie.
Plus nerveuse que jamais, les productions se parent d’urgence et se doublent d’une passion fébrile, qui s’avère impossible à circonvenir avec les cuivres inspirés d’un David Byrne. Exception faite de "Severed Cross Fingers" et de son songwritting mi-figue mi-raisin : "Spitting our guts from our gears. Drainning our spleen over years", pointant non sans poésie, le brio d’écriture d’Annie Clark.
Quoi qu’il en soit, St. Vincent (l’album) est transportée de part en part par un indéniable esprit groovy et si certains titres explorent les limites les séparant d’une pop plus folk, Annie de façon très convaincante mettra les petits plats dans les grands. Ainsi sur "Huey Newton", c’est à renfort de chœurs et de basses imparables qu’elle accordera un second souffle, d’abord au titre, ensuite à l’album.
Vocalement, alternant entre des passages légers et hantés (les chœurs de "Digital Witness"), St. Vincent accentue l’aspect hétéroclite de l’album. Tout en assumant un décalage qui, malgré son apparente festivité (parfois presque champêtre), n’en demeure pas moins réglé au millimètre près.
Quant au titre "Birth In Reverse", il résoudra tout comme "Rattlesnake" l’étrange équation dans laquelle sont mis en échos, énergie, mouvements romanesques et pure jouissance musicale. |