Avec Tall Tall Shadow, son troisième album, la chanteuse folk de Toronto Basia Bulat semble franchir une étape dans sa carrière. On reconnaît d'emblée cette voix qui s'insinue des oreilles de l'auditeur vers son cœur, cette voix qui s'envole tranquillement dans les aiguës sans jamais forcer, cette voix d'une précision parfaite. Ce n'est pas seulement la voix, bien entendu, mais l'émotion qui s'en dégage, où chaque note semble avoir été enregistrée seulement pour celui qui l'écoute, qui donne toute la saveur de son interprétation.
Enregistré après la mort d'un de ses amis, sur ce nouvel opus la chanteuse canadienne se livre toute en délicatesse et en empathie avant que ses chansons ne virent en mélodies entraînantes et pleines de vie, comme autant de pieds-de-nez à la mort. A cet égard, le premier morceau de l'album, "Tall Tall Shadow", fait partie de ceux qu'on qualifiera de classique immédiat, avec des percussions puissantes, une mélodie accrocheuse à l'orgue et son refrain déchirant "You can't run away / If the shadow is yours". Plus loin sur le disque, "It Can't Be You" ou "Someone" sont des perles d'émotion.
C'est certainement le travail avec Tim Kingsbury, le bassiste d'Arcade Fire, à l'enregistrement et avec Mark Lawson, producteur pour Arcade Fire et ingénieur du son pour Peter Gabriel ou Beirut, qui libère Basia Bulat des oripeaux propres à la musique folk pour l'emmener vers des territoires plus aventureux, comme sur l'atmosphérique "The City With No Rivers". Les chansons de la blonde canadienne s'aèrent en même temps qu'elles se fondent dans l'ombre en marchant hors des sentiers battus. C'est là que son talent se montre de la manière la plus évidente.
On retrouve une touche évidente d'Arcade Fire derrière la production, un zeste de Tegan and Sara, ou un filet de Kate Bush, mais c'est bien par sa voix et son interprétation que Basia Bulat est en train de tracer son propre chemin avec des chansons personnelles, honnêtes et belles, et surtout chargées d'émotion. |