Des fulgurances à la Rimbaud, des mots ludiques à la Queneau, des réalités à la Artaud… Il y a comme dans l’air une ambiance Têtes Raides de retour ! Après Banco en 2007 d’une efficacité redoutable, L’an demain en 2011 à la charge poétique puissante et les textes lus de Corps de mots en 2013, pour ne citer que les plus récentes parutions, voici Les Terriens, tout nouveau Têtes Raides en date.
Les afficionados de la première heure ne seront pas déçus et retrouveront, dans le fond et la forme, toutes les composantes de l’univers Têtes Raides : voix, textes, style, graphisme, musique, engagement, amour, cri, révoltes et poésie. La pochette retrouve la patte des Chats Pelés, les textes déroutants, paraboliques, tantôt surréalistes, toujours poétiques s’inscrivent sans rupture dans le style très personnel de Christian Olivier et dans l’univers du collectif. La voix gagne encore en caractère, en maîtrise - on pense à Tom Waits, à Arno parfois, à Têtes Raides toujours - cette voix qui reste l’étendard du groupe, son caractère le plus identifiable, cette voix qui coiffe tout le reste et solidifie l’ensemble.
Nos afficionados retrouveront l’énergie rock d’autres périodes Têtes Raides, avec des nuances blues par-ci, des pause accordéon par-là et une touche punk ressurgie ici ou là. Ils se délecteront de "Alice", "Moderato", "Les terriens", "A ta gueule", "Le rendez-vous", dans la plus pure veine Têtes Raides. Et pourquoi pas du sixième titre, la tache de l’album, qui frôle le point Godwin à mi-album.
Les inconditionnels du dernier L’an demain risque une légère frustration. Là où l’album de 2011, complexe, dense, demandait une approche progressive pour permettre une descente dans l’intime, le poétique, ce dernier album apparaît plus accessible, plus simple. Les Terriens s’offre là où L’an demain se gagnait. Mais c’est aussi lié au caractère de ce dernier album, il est généreux. Aussi nos inconditionnels de L’an demain se réjouiront entre autres de "Oublie-moi", "Mon carnet" et "Des Silences", morceaux posés, plus personnels, respirations parsemées dans l’album.
Finalement, c’est d’une certaine manière avec cet album le retour du collectif et de son monde, là où le dernier album puisait plus dans l’intimité de l’auteur, semblait davantage né de la personnalité de Christian Olivier, là où Corps de mots était un détour poétique, une aventure d’école buissonnière, de braconnage amoureux en champs amis. Au final, Les Terriens se perçoit comme très énergique, accrochant dès la première note, mais perdant au passage en charge émotionnelle. Il est pourtant à coup sûr le bon album au bon moment dans la carrière du groupe, pour poursuivre ce parcours hors-norme, varié et ludique, porté par un vent de liberté qui laisse présager de très beaux moments de concerts dans les mois à venir.
Alors… Album majeur ? Album de plus ? Finalement peu importe… Comme souvent avec Têtes Raides pas de vérités absolues, tout dépend de l’homme, tout dépend de l’instant et tout est remis en jeu à chaque écoute… ce n’est pas là la moindre de leurs prouesses ! |