Voilà bien longtemps que l'on attendait des nouvelles de Mercury Rev. Sans réelle impatience cependant, mais avec ce petit picotement dans les oreilles, sorte d'état de manque latent, à l'écoute de certains groupes ces derniers temps comme Flotation toy warning ou Polyphonic sprees proches de l'univers du groupe bientôt légendaire du poêtique Jonathan Donahue (même s'il n'en fut pas le seul membre fondateur mais je ne vais pas vous embêter avec leur histoire personnelle), de Grasshopper et son look rockabilly et enfin de Jeff Mercel, le batteur qui passe parfois au clavier sur scène, arrivé dans le groupe pour Deserter's songs.

Et puis, miracle, ils débarquent un beau jour de novembre en première partie du non moins légendaire Nick Cave, là, comme ça, presque en douce avec des nouveaux titres et un album annoncé pour janvier 2005 !

Enfin le voilà donc ce Secret Migration. Mercury Rev n'a pas changé d'un pouce en apparence mais leur musique décolle comme jamais.

Si les chansons sont toujours empreintes de mélancolie et de noirceur, elles n'en sont pas moins resplendissantes, luxuriantes, belles et touchantes à l'image de "Vermillion", magnifique travail d'orfèvre sonore, mais également du très beau clip illustrant le non moins remarquable "In a Funny way" mettant en scène d'étranges animaux de la forêt.

C'est donc le printemps chez Mercury Rev, ça bourgeonne et ça festoie à tout va, la production toujours au cordeau de Dave Fridmann (membre historique du groupe qui en fut le bassiste avant de se tourner vers la production) canalise à merveille tous ces élans et l'ensemble donne un album ouvert, accessible et réjouissant tout autant que tendre, profond et mélancolique à souhait.

Car il faut se rendre à l'évidence, à l'écoute des précédents albums, on sentait dans Mercury Rev un renfermement sur soi, une sorte de refus du monde. Aujourd'hui, le groupe sort enfin de son cocon pour devenir le magnifique papillon illustrant fort judicieusement la pochette du disque.

Les 13 titres de The Secret Migration tiennent presque tous d'un curieux mélange de l'époque "Car Wash Hair" et l'album Yerself is steam et de Deserter's Songs dans leurs cotés pop sophistiquée au détail près qu'ils sont plus aboutis, travaillés (tant dans la production que dans les arrangements) et d'une richesse incroyable, quasi inépuisable au fil des écoutes.

Mais ici contrairement notamment à Deserter's songs, c'est la voix, toujours aussi singulière et émouvante, qui est génératrice d'émotions et elle seule. Autrement dit, plus de scie musicale pour se camoufler derrière de faciles effets améliepoulinesques et, si les arrangements et les claviers sont toujours omniprésents et signent le son Mercury Rev aussi sûrement qu'un relevé ADN, on retrouve ici un groupe plus "classique" guitare-basse-batterie et des mélodies plus abordables sans devenir mièvres pour autant.

De "Secret for a song" (on se doutait bien qu'il connait celui d'en écrire de merveilleuses) et ses envolées lyriques et sonores jusqu'à l'intimiste et minimaliste "Down poured the heavens" et son piano accompagnant la voix de Jonathan, frêle et touchante, en passant par les chœurs de "Moving on" aux accents de chorale ou encore le poétique "Black forest (Lorelei)", chaque chanson est un enchantement et une raison supplémentaire d'écouter ce disque et d'y découvrir à chaque fois un élément nouveau.

Pour en revenir à la pochette, The secret migration est vraiment comme ce papillon chimérique : baroque mais pas ostentatoire, simplement beau et étonnant.

On l'appelle également le Eumorpha Pandorus, Pandorus Sphinx. A la fois Sphinx et Pandore, un bon résumé pour ce groupe si énigmatique..

The Secret Migration est probalement le travail le plus abouti de Mercury Rev et un nouveau départ pour ce groupe trop méconnu. Un album qui marquera bien plus que l'année 2005 !

A posséder absolument.