Vérone, c'est un trio de petits jeunes gens bcbg du genre que l'on ne croise pas forcément dans la musique pop mais plutôt dans les café branchés des quartiers hype. Vérone c'est aussi forcément un petit peu Roméo et Juliette, Serge Reggiani et Anouk Aimée...
Alors évidemment, quand on combine, belle gueule et nom à consonance shakespearienne ça place déjà la barrière assez haut. Pas question de se louper ou de nous servir une soupe réchauffée pour bobo sur le retour.
En concert au Nouveau Casino, nous en avions eu un premier aperçu prometteur : Vérone nous avait bluffé et si les chansons de l'album Retour au zoo sont traitées de manière assez différentes du live, la surprise n'en est pas moins à multiples facettes.
Plus atmosphériques, comme dépouillées de tout ce qui faisait leur densité sur scène, cette sorte de puissance contenue, ces claviers omniprésents et bien sûr les images projetées en fond de scène, mais là, je vous l'accorde, à moins de faire un album en DVD comme le 64-95 des Lemon Jelly ce n'est guère possible, la première écoute paraît décevante. E puis ... on réécoute... et on découvre de petites merveilles.
Ou plutôt une petite merveille de disque, car c'est globalement qu'il faut écouter Retour au zoo qui est remarquablement construit. Plus qu'une suite de chansons, Vérone nous propose de nous laisser porter par des ambiances et de plonger dans leur univers qu'ils construisent en grande partie grâce à leur musique singulière, mélange de minimalisme pop et d'électro, mais aussi avec des textes introspectifs, intimistes et poétiques d'une écriture simple, presque évidente, précise, et redoutablement efficace.
En fait, Vérone, c'est un peu Christophe qui jouerait avec Swell.
On retrouve notamment l'univers de Christophe (celui des années 2000, époque Comm' si la terre penchait) sur "Alaska" le morceau d'ouverture de l'album mélangeant les textes intrigants et une musique calme, presque contemplative ("Ton souffle m'emmène/Si tu m'aimes ne t'éloigne pas/Parle parle moi encore/Dis moi où j'irais où j'irais bientôt") .
"Tout est léger", chanté par une voix féminine et presque entièrement électro est lui aussi très proche de cet univers avec cette mélodie en apesanteur qui fait son chemin dans votre esprit sans crier gare. Oui, mais gare à l'addiction !
Loin de raconter les petites contingences urbaines quotidiennes, Vérone transcende le réel par la voie poétique et crée de véritables poèmes, parfois surréalistes comme "Caméleon" ("Je suis un rôdeur qui se faufile dans ton dos, je suis le néant qui brunira ta peau/A quoi bon mentir encore quand je vois clair en toi") parfois oniriques avec "J'ai vu des chevaux sous la mer" ("J'ai vu des chevaux sous la mer libres comme le vent/Franchir les montagnes portés par un tapis volant/Les poumons emplis d'eau j'allais bientôt devenir liquide/Je touchais presque au but je remonte maintenant les mains vides").
Album placé sous le signe du voyage, voyages intérieurs ("Retour au zoo" "La tête dans le sac/J'aurais beau faire obstacle/Je ne serais pas seul pour le dressage/Je ne serais pas seul à roder en cage/je ne serais pas seul), voyages spatio-temporels aux réminiscences bibliques ("Jéricho") ou passage vers un au-delà ("Derrière le ciel" atypique dans lequel on retrouve
une des influences revendiquées par le groupe, Gérard Manset, "Derrière le ciel et le brouillard glacé/Au delà des tombes de marbre/Où es-tu donc passé?")
L'album démarre sur les grandes plaines enneigées de l'Alaska et se clôt sur la piste migratoire des indiens dans les grands déserts américains avec "Penser tout haut".
Bien sûr, cet album n'est pas parfait et les critiques mettront en exergue le parisianisme du son ou un certain maniérisme dans le phrasé du chanteur, qui est moins sensible en live, comme sur les trompeeeettttttteeeeees de "Jericho", qui rompt parfois un peu brutalement l'état serein et contemplatif dans lequel nous plonge ce disque. Quoiqu'il en soit, Retour au zoo est un premier album très convaincant et il paraît tout à fait légitime de fonder de grands espoirs sur Vérone qui pourrait ouvrir un peu plus encore la scène musicale française à de nouveaux horizons.
Allez j'y retourne...
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