Comédie de science-fiction écrite par Adrien Cohen et Florence Roche, mise en scène de Gwen Aduh, avec Adrien Cohen et Chloé Galzin-Turco.
Alone Mirou est un employé-modèle de Newsbrib, la plateforme sociale issue de la fusion entre Google, facebook et TF1.
Le métier d'Alone consiste à créer du contenu, des news, du buzz dans un monde de l'"Hyperflux" d'informations. Il prend des bribes de textes d'agences de presse, assemble ces petits bouts d'actualités les uns aux autres dans un copier/coller sans analyse préalable quitte à donner un sens totalement différent de celui du message initial, surtout lorsque cela peut permettre aux actions de son employeur de prendre de la valeur.
Mais un jour, Alone se fait "absorber" par le système, et déclenche un bug mondial. Il est alors poursuivi sur le réseau pour être éliminé. Au cours de sa fuite, il rencontrera dans un monde virtuel plus vrai que nature le créateur de Newsbrib devenu hacktiviste et la créature cybernétique dont il est amoureux durant ses rêves.
Le spectacle d'Adrien Cohen, co-écrit avec Florence Roche, va chercher ses références d'abord dans des films de science-fiction hollywoodiens, mais aussi dans la littérature, en particulier chez Philip K. Dick, et dans le manga, voire le hentai. Les références à "Brazil", "Minority Report", "Paycheck", "Matrix" ou "Steamboy" parleront à chacun, mais c'est d'abord à "Ghost In The Shell" de Mamoru Oshii que cette pièce rend hommage.
Comment réaliser une pièce de science-fiction et évoquer des films qui n'existent que par la grâce d'effets spéciaux à plusieurs millions de dollars sur une scène minuscule et sans décors ?
La mise en scène de Gwen Aduh est, à cet égard, particulièrement brillante. Il réussit à transformer les quelques mètres-carrés de plateau en divers lieux, à mener le spectateur entre monde réel et monde virtuel et à démultiplier les personnages par l'évocation à partir de sons, de lumières ou de projections. Alors qu'Hollywood ne parvient que difficilement à mettre à l'écran, de manière visuelle et convaincante, les flux informatiques, Gwen Aduh s'en exempte avec élégance.
Mais il faut surtout le talent d'un acteur exceptionnel, Adrien Cohen, à la fois acteur, mime et danseur, dans une chorégraphie millimétrée où ses gestes s'accordent avec des sons qui forcément évoqueront des images au spectateur. Pas besoin de décors, la simple évocation auditive et les gestes d'Adrien Cohen suffisent à ce qu'on imagine des tunnels dans lesquels se déroulent des poursuites, des consoles couvertes d'écrans tactiles et tout un monde virtuel.
Sa partenaire, Chloé Galzin-Turco, apporte les périodes de respiration nécessaires à cette histoire qui a tout de la superproduction hollywoodienne, puisqu'il n'y a pas de film d'action réussi qui ne soit soutenu par une histoire d'amour. De plus, les blagues fusent, les références à l'actualité ou plateformes actuelles de réseaux sociaux ne manquent pas, qui font sourire voire franchement rire, mais aussi réfléchir à notre quotidien et à notre avenir.
Adrien Cohen offre donc non seulement une des pièces les plus originales du moment, mais il réussit un pari fabuleux, démontrer que ce sont avant tout les acteurs et une histoire qui apportent du rêve au spectateur.
En multipliant les clins d’œil au cinéma d'anticipation, alors qu'il pratique parfois un des plus vieux arts de la scène, la pantomime, l'art du muet, et en évoquant les scènes et les objets par le son, il rappelle à chacun des spectateurs qu'il a en lui un organe très puissant qui peut lui permettre de voyager, de se projeter, de rêver...
Un organe qu'on a un peu tendance à mettre en veille à longueur de surfs virtuels, un cerveau. |