Avec un nom qui lance un pont par-dessus la Manche, Raymonde Howard fonce à une allure hallucinante qui n’a rien à envier à un TGV. Venue de la prolifique cité de Saint-Etienne (hé oui !), l’artiste balance des riffs démentiels et une énergie vocale qu’elle arrive à contenir sur des formats courts, voire ultra-courts. Dernièrement de retour avec un album concentré sur près de 30 minutes, la jeune femme signe un opus véloce et léché et qui s’offre comme la bande originale du film éponyme de la réalisatrice Raphaëlle Bruyas. En mars dernier, elle était à Paris pour une date aux Trois Baudets, toute de fleurs vêtue, l’artiste a bien voulu répondre à nos questions.
Tu es de retour avec ton dernier album Le Lit qui est donc la bande son du film de Raphaëlle Bruyas. Il paraît que tu as enregistré l’album sans avoir vu une seule seconde du film et en ayant simplement lu le scénario, c’est quand même une expérience originale, ça s’est passé comment pour toi ?
Laëtitia Fournier : Cela avait d'abord été l’occasion de remettre les pieds à l’étrier puisque ça faisait un petit moment que j'avais une baisse de motivation et de créativité. Je connaissais Raphaëlle par un ami en commun et après m’avoir vu en concert, elle m'a proposé le projet sans avoir quelque chose de précis en tête. En fait, elle m’a passé le scénario avec une date tout en me laissant beaucoup de liberté, tout en ayant un petit cahier des charges m'indiquant quelques ambiances que je devais respecter. Je suis très contente de notre collaboration, j'ai pu y imprimer mes propres rythmiques et idées.
Donc le film raconte l’histoire d’une fille qui retrouve un petit pois sous son matelas et qui décide de le garder, pour ne plus jamais dormir. On la retrouve du coup à déambuler dans les rues de Saint-Étienne sur son lit, c’est un peu une version édulcorée de la princesse au petit pois, tu t’es identifiée à l’héroïne "Nour" ?
Laëtitia Fournier : Ouais, mon alter-ego, Raymonde s’est identifiée à elle. Je me suis retrouvée au travers de l’univers assez féminin avec ses revendications portées, avec sa balade dans les rues avec son lit et elle s’en fout. J’ai vraiment eu la sensation que les univers de Raphi et le mien se sont trouvés ici et qu'ils ont pu dialoguer.
Ton univers à toi, ce sont des pièces de musique courtes et instantanées, c’est dû à une volonté d’aller contre le format standardisé couplet / refrain / couplet ?
Laëtitia Fournier : Non. A la base, Raymonde Howard c’est pour moi un espace exutoire pas du tout réfléchi : je pars sur un riff de guitare et s’il doit durer 5 minutes, il dure 5 minutes. Même si la plupart du temps il fait 30 secondes. Je vais droit à l’essentiel, et finalement, j’ai toujours gardé ce code pour tous mes morceaux sans trop m’imposer de contrainte, y compris pour le dernier disque. Moi ça me va bien, c’est un choix artistique.
Dans ta façon de faire, on repère rapidement la présence des boucles sonores - y compris dans les parties chantées - ça donne un peu une impression "DIY", (Do it yourself / bricolé à la main), est-ce par volonté ?
Laëtitia Fournier : Bel accent ! (rires)
Merci, je l'ai beaucoup travaillé !
Laëtitia Fournier : Oui, ce fut d’abord par nécessité. Raymonde, moi toute seule, c’était toutes les idées que je ne pouvais pas caler dans mes groupes. A la base, j’ai commencé à m’enregistrer avec un 4-pistes, avec une première piste de guitare, une seconde et ainsi de suite. Je me suis retrouvée bien embêter le jour où l'on m’a proposé de faire un concert, incapable de faire seule sur scène ce que je faisais dans ma chambre. Je n’avais ni les musiciens, ni les instruments, jusqu’à ce je découvre la loop station et là, c’était la révolution !
C’est un peu ton instrument de base ?
Laëtitia Fournier : Voilà ! Enfin, parfois sur des compos un peu plus épurées, je m’en passe hein !
Et donc ce soir, tu as des musiciens, ils vont remplacer la loop ?
Laëtitia Fournier : Pas du tout, ils seront là et la loop aussi. En fait, on s’est arrangé autour de la pédale. Je parle bien de l’instrument.
Un truc qui a retenu notre intention, tu es très souvent comparée à PJ Harvey. J'ai l’impression que l’on a toujours droit à quelque chose du genre, quand une femme fait du rock, tu trouves la comparaison pertinente ?
Laëtitia Fournier : J’aime beaucoup PJ, j’écoutais beaucoup To Bring You My Love ado. Après, c’est vrai que c’est toujours un peu agaçant de retrouver les mêmes références et les mêmes comparaisons. On me compare souvent aussi avec Cat Power. Mais le phénomène ne touche pas que Raymonde Howard, c’est ciblé sur les rockeuses qui composent à la guitare et qui chantent avec des voix douces ou un peu rauques. C'est agaçant donc, mais il doit forcément y avoir des influences de ces artistes chez moi. Avec beaucoup d'autres !
Comme qui ?
Laëtitia Fournier : Il y a cette artiste argentine, Juana Molina qui fonctionne aussi beaucoup avec des boucles, ça m’a vraiment plus ! Niveau masculin, il y aurait Beck avec son album One Foot in the Grave pour la folk minimaliste, mais aussi Prince que j’aime beaucoup, on m’a aussi fait découvrir Bo Diddley pour le côté blues !
Tu ne cites que des artistes anglophones du coup ?
Laëtitia Fournier : J’aime bien le dernier Daho ! Après je n'ai pas une culture francophone très pointue. J'aime les classiques : Gainsbourg, Françoise Hardy… Mais en général, j’écoute des groupes qui chantent en anglais.
Pour en revenir à "l’esprit DIY", tu es aussi signée sur un label indépendant, encore une fois est-ce par volonté ou nécessité ?
Laëtitia Fournier : A la base, c’est le label We Are Unique qui a fait la démarche de venir à moi, ce qui est très chouette, et par la suite, c’est devenu très humain entre nous.
Le label We Are Unique, si je ne m’abuse n’a pas de but lucratif, ce n’est qu’une question de plaisir je crois ?
Laëtitia Fournier : Exactement. Ce sont devenus des amis, avec qui je m’entends très bien artistiquement. De plus, on s’est bien complété, moi j’avais mon réseau "DIY" et eux ils ciblaient un peu plus large, c’était tout naturel de continuer le travail avec eux. J’ai un autre label qui a sorti Le Lit en vinyle. Encore un label "DIY". C’est Specific, basé à Metz, ce sont des passionnés qui ne font ça que par amour de la musique, c’est une très belle rencontre aussi. Et ils font le combat de sortir des disques en sachant qu’ils risquent de produire à pertes.
Avec quelques grands journaux qui n’ont pas tari d’éloge à ton propos (je crois que c’était Libé), as-tu eu d’autres propositions intéressantes ?
Laëtitia Fournier : Des portes se sont ouvertes, mais ne m’ont pas trop intéressée.
Raymonde Howard du coup, c’est vraiment ton projet personnel. Avec sa genèse qui raconte que tu es partie écrire en Angleterre, tu penses un jour revenir dans un groupe ?
Laëtitia Fournier : Ça fait un an et demi que je ne travaille plus qu’en tant que Raymonde Howard, même si elle a au début coexister, un temps, avec mes anciens groupes. Aujourd’hui, c’est plus une question de temps, il faudrait juste que je me l’octroie, la porte reste ouverte en tout cas.
Tu t’imagines chanter en français ?
Laëtitia Fournier : Je n’ai jamais chanté en français. Et puis je suis prof d’anglais à la base, donc la langue m’est plus accessible et j’aime comme elle sonne. En français, il y a aussi la difficulté d’être confrontée et de confronter son message au public qui analysera forcément ton propos, mais pour l'instant je ne m'en sens pas capable.
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