On connaissaît son phrasé à la Dominique A, grave et tendre comme un mot doux murmuré au creux du coude (ça chatouille), Emmanuel Tugny revient avec The Lady Guaibas’s Swing Band pour Les Variétés. Bravo bonhomme. Bien joué pour le titre. Mine de rien, ingénieux Les Variétés. Plus facile à classer ? Je ne crois pas non (et ça n’a rien à voir avec le fait que je n’ai toujours rien pigé au fameux classement).
Emmanuel Tugny fait penser à ces grands hommes (1m90 et au-delà) qui arpentent les chemins avec un chapeau et une valise, les mains dans les poches et la plume au bec. Nonchalant, indépendant, tranquille, le cœur plein de rêves et les pieds dans les pissenlits. Oui, je sais, il est chauve et barbu, mais qu’importe le vin pourvu qu’on ait l’ivresse. Et Manu, il l’a l’ivresse. Au point de nous emmener dans son délice musical fait d’épopées oniriques, de chant italiens et d’hommage à Nadejda Tolokonnikova.
Comment ça rien à voir ? Bien sûr que si, ce sont Les Variétés tout de même. Pas de quoi nous tromper sur la marchandise.
Sa musique ? Elle est à son image, naturelle, accompagnée d’un espiègle de cuivre et d’accords de cordes, de claviers, de zouing zouing dodelinant et d’accents roulant des hanches entre les tables. Des reprises "On the Sunny Side of the Street", "Ce n’est rien", "Isn’t it a pity", un texte de Guillaume Apollinaire, la voix de Suzanna Tissita, un ton bas et monocorde, des vocalises aguisées. Les Variétés, vous disiez ? En effet.
Il y a de tout, et un peu plus que tout dans cet album, loin du pas grand-chose et de l’à peu près, Les Variétés seraient comme la traversée d’une ville. La laideur des trottoirs magnifiée par les bacs à fleurs, eux-mêmes responsables des nuées d’abeilles chassées par des tapettes rageuses, elles-mêmes remèdes à la moiteur ambiante, elle-même propice à la sensualité des vêtements légers, eux-mêmes responsables d’incivilités, elles-mêmes sources de jeux de mots potaches, eux-mêmes prétextes à la rigolade entre potes, eux-mêmes pourfendeurs de corsets, eux-mêmes détournés en dessous sexy…
Beau et moche, gentil et méchant, tout est lié, tout se mélange, Emmanuel Tugny en est un exemple fondamental : ce nouvel album est un melting pot de tout ce qu’il sait faire avec un Swing Band tout à fait charmant. |