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Chansons en charentaises  (Le P'tit Chariot)  décembre 2013

L’universel, c’est le local moins les murs : Gérard Pierron pourrait reprendre à son compte ce credo, lui qui n’a pas son pareil pour s’approprier des auteurs rares et les rendre accessibles à tous, par la grâce d’une mélodie sans âge. Exemple parfait de cette réussite, Les Mangeux d’Terre, mise en musique du poète anarcho-rural Gaston Couté, devenu quasiment un tube : refrain tellement évident que dès la première écoute, on croit le connaître depuis toujours, comme s’il s’agissait d’une chanson ancestrale transmise de bouche à oreille, de père en fils… alors qu’elle ne date en réalité que de la fin des années 70. Magie de ces mélodies limpides et populaires que le compositeur paraît enfiler sans effort – évidemment, il ne faut pas s’y fier : la belle ouvrage aux finitions parfaites cache souvent un rude labeur d’artisan en coulisses…

Pour son nouveau disque, Chansons en charentaises, sous-titré "Poésie et magie de la boule de fort", l’artiste a choisi un point de départ microscopique : la boule de fort, jeu régional proche de la pétanque, mais d’un principe et d’une conception plus sophistiqués ; "sport" a priori méconnu, passe-temps privilégié de quelques villages d’Anjou. Chanté jadis par Emile Joulain, ce jeu a stimulé la rêverie de Gérard Pierron, attentif au cheminement lent de ces boules ciselées comme des objets d’art.

Tout ceci n’est évidemment qu’un prétexte, thème imposé visant à mettre en branle l’imaginaire de ses auteurs : "la boule de fort, monsieur, c’est une idée qui roule", dit la première chanson, qui croise en chemin d’autres thématiques plus universelles – amitié, fête, vin, et haine de la flicaille… Pierron voit les cercles de boule comme les derniers bastions d’une fraternité vacillante, menacée par le capitalisme galopant et la maréchaussée ; "chapelles ouvrières" où de rudes paysans se laissent, entre deux parties, aller à la poésie…

Amoureux des "poètes maladroits", il a commandé des textes aux gens du cru, voisins ou relations, connaisseurs du jeu et de la région. Mais authenticité rurale ne rime pas forcément avec laisser-aller : ces auteurs quasi-inconnus (Loïc Costes, Patrick Piquet, Gilbert Carpentier, Patrick Baladin, Dominique Solamens), loin d’être manchots, accouchent d’une poésie simple et belle, pleine d’humanité et de trouvailles – où les vers de mirliton côtoient d’authentiques bijoux. Pour encadrer ces nouveaux venus, Pierron a placé en ouverture et conclusion des textes d’Allain Leprest et Emile Joulain, poètes de renom, qui les chapeautent sans leur porter ombrage. Subtile élégance de l’hôte généreux, qui traite ses invités sur un pied d’égalité : les auteurs peuvent être charcutier, instituteur, épicier, ingénieur ou "professionnels" de la poésie... Portés par cette voix fraternelle, les hiérarchies s’effacent, et les auteurs débutants, épaulés par les plus chevronnés, livrent le meilleur d’eux-mêmes.

Dans sa chanson, totalement inédite, Leprest trace une généalogie "légendaire" de la boule de fort, jeu marin sédentarisé. Il s’agit là d’une thématique chère à Pierron, celle du vieux loup de mer devenu campagnard – illustrée jadis par l’emblématique "Terre-Neuvas des Foins". Sur un accompagnement de guitare dépouillée, le chanteur entonne une mélodie fort simple ; puis, au fil des couplets, d’autres instruments s’immiscent, saxos alto et baryton, donnant un tour plus sophistiqué à ce qui semblait n’être, au premier abord, qu’une modeste bluette.

C’est la grande intelligence du disque : pour illustrer cette pratique rurale, il fallait éviter la redondance d’une orchestration "terroir", à base de flonflons et musettes. Gérard Pierron l’a bien compris, qui a laissé ses musiciens, issus du jazz ou de la musique brésilienne, broder des arrangements subtilement complexes à ses chansons apparemment si simples. Ainsi, il évite de tomber le piège de la franchouillardise, et se garde bien de rejoindre la cohorte des "imbéciles heureux qui sont nés quelque part" : amour des régions ne signifie pas repli sur soi, et Pierron, citoyen du monde, teinte sa musique aussi bien de couleurs jazz, java ou bossa.

Francis Jauvain (accordéon, accordina, saxo), Patrice Larose (guitare) et Tony Baker (piano, Fender) ont retenu le message de Nougaro : la danseuse de java ("Petite Etincelle") se cambre sous les chorus jazzy ; et l’hommage à "Poireau", inventeur de la boule, swingue comme dans un New Morning provincial ! Néanmoins, malgré ces pointures, l’album ne tombe jamais dans la vaine démonstration : la virtuosité des musiciens est au service des mélodies de Gérard Pierron, dont la voix claire et chaleureuse marie le savant au trivial, le poétique au prosaïque, l’universel au régional.

Le disque est généreux, à l’image de son compositeur-interprète : dix-neuf plages, plus d’une heure de musique répartie entre chansons (une douzaine), textes lus ou récités, instrumentaux (trois)… Certains titres reposent sur une formule hybride, moitié parlée moitié chantée, où Pierron nous conte des histoires agrémentées de refrains. Dans son genre, La Leçon du Grand Père est un petit chef d’œuvre d’humanité, histoire de transmission d’un grand-père à son petit fils, au rythme lent d’une jument fraternelle. C’est beau, tendre, et la mélodie touche au cœur comme une berceuse. Malgré ses huit minutes, on ne s’en lasse pas une seconde.

Il faudrait des heures pour recenser toutes les réussites de ce disque impeccable. Signalons entre autres "Les Magasins Bleus", fable anarcho-champêtre où la maréchaussée revient encore et toujours perturber les ébats de joyeux drilles nostalgiques des hécatombes chères à Brassens. Autre réussite, "Jour de Finale" recrée l’exaltation du village un jour de compétition. C’est drôle, gentiment anecdotique… mais avec en arrière-fond une de ces mélodies contagieuses dont Pierron a le secret, qui donne envie de faire "La La La" à tue-tête tandis qu’un joueur, visiblement éméché, prophétise : "tout ça finira mal, point final !"

 

A lire aussi sur Froggy's Delight :

L'interview de Gérard Pierron (février-avril 2014)

En savoir plus :
Le site officiel de Gérard Pierron


Nicolas Brulebois         
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# 21 avril 2024 : Des beaux disques, des beaux spectacles, une belle semaine

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Du côté de la musique :

"Génération (tome 1)" de Ambre
"Out" de Fishtalk
"Take a look at the sea" de Fontanarosa
"Venus rising" de Trio SR9 & Kyrie Kristmanson
"Perpétuel" de Vesperine
"Liminal status" de Watertank
"The great calm" de Whispering Sons
"Keep it simple" de Yann Jankielewicz , Josh Dion & Jason Lindner
Quelques nouveautés en clips avec Isolation, Resto Basket, Greyborn, Bad Juice, Last Temptation, One Rusty Band, We Hate You Please Die
nouvel épisode du Morceau Caché, consacré à Portishead
et toujours :
"Kit de survie en milieu hostile" de Betrand Betsch

"Let the monster fall" de Thomas de Pourquery
"Etat sauvage" de Chaton Laveur
"Embers of protest" de Burning Heads
"Sin miedo" de Chu Chi Cha
"Louis Beydts : Mélodies & songs" de Cyrille Dubois & Tristan Raës
"Arnold Schönberg : Pierrot lunaire" de Jessica Martin Maresco, Ensemble Op.Cit & Guillaume Bourgogne
"C'est pas Blanche-neige ni Cendrillon" de Madame Robert
"Brothers and sisters" de Michelle David & True Tones
"Prokofiev" de Nikita Mndoyants
"Alas" de Patrick Langot, Alexis Cardenas, Orchestre de Lutetia & Alejandro Sandler
"Symptom of decline" de The Black Enderkid
"Tigers blood" de Waxahatchee
"Not good enough" de Wizard

Au théâtre :

les nouveautés :

"Sonate d'automne" au Théâtre Studio Hébertot
"Frida" au Théâtre de la Manufacture des Abbesses

"Preuve d'amour" au Théâtre du Guichet Montparnasse
"Après les ruines" au théâtre La Comète de Chalons En Champagne
"Objets inanimés, avez-vous donc une âme ?" au Théâtre du Guichet Montparnasse
"Royan, la professeure de français" au Théâtre de Paris
Notes de départs" au Théâtre Poche Montparnasse
"Les chatouilles" au Théâtre de l'Atelier
"Tant que nos coeurs flamboient" au Théâtre Essaïon
et toujours :
"Come Bach" au Théâtre Le Lucernaire
"Enfance" au Théâtre Poche Montparnasse
"Lîle des esclaves" au Théâtre Le Lucernaire
"La forme des choses" au Théâtre La Flèche
"Partie" au Théâtre Silvia Monfort
"Punk.e.s" Au Théâtre La Scala
"Hedwig and the angry inch" au théâtre La Scala
"Je voudrais pas crever avant d'avoir connu" au Théâtre Essaïon
"Les crabes" au Théâtre La Scala
"Gosse de riche" au Théâtre Athénée Louis Jouvet
"L'abolition des privilèges" au Théâtre 13
"Lisbeth's" au Théâtre de la Manufacture des Abbesses
des reprises :
"Macbeth" au Théâtre Essaion
"Le chef d'oeuvre inconnu" au Théâtre Essaion
"Darius" au Théâtre Le Lucernaire
"Rimbaud cavalcades" au Théâtre Essaion
"La peur" au Théâtre La Scala

Une exposition à la Halle Saint Pierre : "L'esprit Singulier"

Du cinéma avec :

"Le déserteur" de Dani Rosenberg
"Marilu" de Sandrine Dumas
"Que notre joie demeure" de Cheyenne-Marie Carron
zt toujours :
"Amal" de Jawad Rhalib
"L'île" de Damien Manivel
"Le naméssime" de Xavier Bélony Mussel
"Yurt" de Nehir Tuna
"Le squelette de Madame Morales" de Rogelio A. Gonzalez

Lecture avec :

"Hervé le Corre, mélancolie révolutionnaire" de Yvan Robin
"Dans le battant des lames"' de Vincent Constantin
"L'heure du retour" de Christopher M. Wood
"Prendre son souffle" de Geneviève Jannelle
et toujours :
"L'origine des larmes" de Jean-Paul Dubois
"Mort d'un libraire" de Alice Slater
"Mykonos" de Olga Duhamel-Noyer
"Des gens drôles" de Lucile Commeaux, Adrien Dénouette, Quentin Mével, Guillaume Orignac & Théo Ribeton
"L'empire britanique en guerre" de Benoît Rondeau
"La république des imposteurs" de Eric Branca
"L'absence selon Camille" de Benjamin Fogel
"Sub Pop, des losers à la conquête du monde" de Jonathan Lopez
"Au nord de la frontière" de R.J. Ellory
"Anna 0" de Matthew Blake
"La sainte paix" de André Marois
"Récifs" de Romesh Gunesekera

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Bonne lecture, bonne culture, et à la semaine prochaine.

           
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