Comédie musicale conçue par Jacques Mougenot d'après l'oeuvre éponyme de Georges Feydeau, mise en scène de Hervé Devolder, avec Christine Bonnard, Charlotte Filou, Clara Hesse, Claudine Vincent, Adrien Biry-Vicente, Arnaud Denissel, Fabrice Fara, Patrice Latronche et Franck Vincent.
Voilà un spectacle idéal pour la période estivale et un bienvenu divertissement en ces temps de rigueur et de morosité hexagonales.
Encore un Feydeau, diront les pisse-vinaigre et les rabat-joie, ce rassurant fédérateur de publics appelé en rescousse de manière récurrente pour les fins de saison difficiles. Et bien ils auront tort.
En effet, loin de jouer les secouristes, les deux maîtres d'oeuvre, Jacques Mougenot et Hervé Devolder, comédiens et metteurs en scène qui connaissent leurs classiques et ne sont pas des perdreaux de l'année, présentent un spectacle épatant, truculent et jubilatoire totalement abouti et gorgé d'énergie roborative, d'hilarité imparable et de bonne humeur contagieuse.
De surcroît, sortant des blockbusters mis à toutes les sauces du célèbre vaudevilliste, ils ont choisi une partition méconnue, "Les Fiancés de Loches", dont ils ont procédé à l'adaptation en gommant les petites faiblesses d'une oeuvre de jeunesse et, surtout, en la transposant dans le registre de l'opérette-vaudeville.
Laissant l'oeuvre dans son "jus" et le contexte de la fameuse Belle Epoque, Jacques Mougenot a sensiblement, et à bon escient, resserré et rafraîchi le texte original et, s'inspirant de l'esprit de ce temps, a troussé d'inénarables couplets aussi charmants que désopilants que Hervé Devolder a joliment mis en musique.
Les fiancés de Loches ne sont pas deux mais trois : c'est en famille que les Gevaudan débarquent à Paris tous frais émoulu de leur province mus par le désir de convoler en justes noces hors pays mais leur quête matrimoniale tourne au désastre et leur virée parisienne se solde par un retour au bercail la queue entre les jambes (sic).
Car dans l'immeuble de l'agence matrimoniale siège également un bureau de placement pour domestiques auquel s'adresse régulièrement le docteur Saint-Galmier pour demander du personnel pour son établissement de soins pour névropathes. Inutile de préciser le triple quiproquo qui va se déployer en trois actes que Feydeau orchestre autour de trois déclinaisons de la fracture sociale, maîtres/domestiques, parisiens/provinciaux et fous/sains d'esprit, sur toile de fond moliéresque en fustigeant les Diafoirus des nouvelles sciences psychiatriques.
Hervé Devolder, qui n'est pas un lymphatique, signe une mise en scène branchée sur haut voltage en forme de folle farandole scandée par les chansons et les pas de danse chorégraphiés par Catherine Arondel.
Dans un décor ad hoc, des panneaux en fond de scène conçus par le scénographe Jean-Michel Adam et inspirés du graphisme qui présidait aux affiches de la Belle Epoque, et les costumes croquignolets sur le mode de "l'habit qui fait le moine "confectionnés par Jean-Daniel Vuillermoz avec la collaboration de Stéphanie Testu pour les coiffures et postiches, une distribution judicieuse et émérite dispense un excellent spectacle.
Les comédiens-chanteurs, tous aguerris à la comédie musicale, sont accompagnés en direct par les musiciens Marianne Devos au violon, Benoît Dunoyer de Segonzac à la contrebasse et Hervé Devolder au piano postés derrière le décor, ce qui participe au charme et à la vivacité de leur prestation. Et ils s'en donnent à coeur et à choeur joie.
Fabrice Fara et Patrice Latronche, respectivement agent recruteur et agent matrimonial, sont drôles à souhait avec un soupçon de loufoquerie.
Le trio de bourgeois ridicules formé par le bellâtre-médecin obséquieux, Arnaud Denissel, sa vieille fille de soeur, Claudine Vincent, et sa vraie fiancée plus futée qu'elle ne le laisse croire, Clara Hesse, est hardiment campé.
Quant aux trois pieds nickelés, Eugène, l'apothicaire bonhomme, gaillardement incarné par Franck Vincent, Alfred, le maigrichon migraineux, qui va comme un gant à Adrien Biry-Vicente, et Laure, la dodue rosière, irrésistible sus les traits et le talent de Christine Bonnard, s'il est mené par le bout du nez, il n'en mène pas moins la danse. Et à propos de danse, leur entrée en scène sur l'air de la bourrée lochoise constitue une incroyable scène d'anthologie.
Un vaudeville en serait pas un vaudeville sans l'incontournable personnage archétypal de la cocotte. Piquante, physique mutin et tempérament explosif, Charlotte Filou fait merveille dans le rôle de la coquette cocotte du docteur prénommée Michette.
En conséquence, rire garanti et succès assuré ! |