Après l'effet “kiss cool”, l'effet “Franz Ferdinand”. Voilà ce qui attend Bloc Party. Car si pour le moment ce nom circule dans un réseau assez restreint, il risque très rapidement de se trouver très médiatisé.
Faire une comparaison avec les écossais serait certes très tentant mais Bloc Party reste une formation atypique.
A l'instar d'une autre formation géniale (Love), elle est menée par un chanteur black charismatique. Un black avec de goûts de petit blanc, fan des Pixies. Là où Alex Kapranos posait sa voix avec une légère désinvolture dandy, Kele Orekeke chante comme si l'état d'urgence venait d'être déclaré. Bloc Party s'inscrit irrévocablement dans le 21 ème siècle, véhiculant toute l'incertitude, la peur et la paranoïa inhérente à ce début de millénaire.
En un an et trois singles, Les Londoniens ont sérieusement affolé les compteurs Geiger des amateurs de rock indépendant. Tout le monde est unanime : chroniques dithyrambiques, références "poids lourds", mais un rien consensuelles (le punk dansant, le post-punk, les Cure…). On retrouve sur ce Silent Alarm les quelques chansons qui ont contribué à l'élaboration de la hype autour de Bloc Party.
De "Banquet", brûlot punk discoïde diablement efficace à "Helicopter", résultat du télescopage (en plein vol) de At the drive in pour les guitares acérées et Supergrass pour le refrain brit-pop, en passant par l'inquiétant "She'shearing voices" avec sa trame narrative à la Hubert Selby.
L'album s'ouvre sur l'énorme "Like eating glass" : guitares tourbillonantes, basse massive, chant habité… "Positive tension", "Pioneers" ou encore "The Price Of Gas" démontrent que Bloc Party connaît son punk dansant et la scène post punk britannique sur le bout des doigts…
La bonne surprise réside principalement dans les morceaux qui lorgnent vers une pop plus complexe. Kele et sa bande avaient pris tout le monde à contre-pied sur le formidable "Tulips", morceau beaucoup plus introspectif et à la tonalité plus mélancolique. "Blue light" fait partie de ses accalmies teintées de spleen. Le groupe se lance même dans un "This Modern Love" de haute volée, jolie tentative post emo-core naïve mais terriblement efficace avec ses incursions de xylophone.
"So Here We Are", cousin éloigné du "Fade out" de Radiohead, et nouveau simple du groupe est ourlé d'arpèges chatoyants. Ceux qui affectaient les petites bombes incendiaires disséminées courant 2004 risquent donc d'être légèrement déçus.
L'album se clôture sur deux morceaux en apesanteur : "Plans" avec ses synthés "curiens" en diable et le lunaire "Compliments".
Silent Alarm reste donc un album beaucoup plus varié que les Ep's ne le laissaient présager. Reste maintenant à voir comment Bloc Party va gérer l'écrasante tournée qui va suivre. Il va surtout être intéressant de voir comment les londoniens vont assurer sur la longueur (ils n'ont qu'une douzaine de morceaux sous le coude).
Au pire ils trouveront dans la presse musicale quelque conseil d'un journaliste bienveillant afin de leur rappeler comment Alex Kapranos et ses sbires ont géré tout ce cirque l'année dernière… |