C'est par hasard, que j'ai découvert Olivier Mellano, le hasard du net, de mes recherches de musique nouvelle. J'ai écouté les quelques titres disponibles d'Olivier Mellano, commandé son premier album, vu l'artiste au Palais de Tokyo pour un concert incroyable, une superbe claque musicale. Pour Froggy's Delight, je le rencontre, je lui pose des questions afin de mieux appréhender son univers. Une belle rencontre, un beau moment à partager.
Est-ce que tu pourrais tout d'abord te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas sous ce nom ?
Olivier Mellano : Je suis musicien et suis devenu compositeur. J'ai commencé le violon classique quand j'avais six ans, école de musique, puis je me suis mis à faire de la musique avec des groupes au lycée. J'ai ensuite commencé à tourner au début des années 90, j'ai monté des labels, tourné longtemps avec Miossec, Dominique A... Ce sont des choses que j'essaie d'effacer au fur et à mesure pour exister autrement que par ces références-là !
Pendant ces collaborations, je me suis mis à composer de plus en plus, soit dans des groupes que j'avais, ou des compositions classiques et contemporaines, des pièces pour des guitares électriques par exemple, en travaillant pour le théâtre, la danse, un peu de cinéma et de ciné-concerts.
Petit à petit, ces deux chemins parallèles se sont développés. Côté composition, je suis chez Naïve Classique, j'ai fait une pièce symphonique il y a deux-trois ans, des projets un peu ambitieux, un peu large et complexes ; et de l'autre côté, dans l'idée de retrouver l'énergie des groupes du rock des débuts, j'ai créé le projet Melanoisescape. Deux pôles qui se complètent vraiment pour moi.
Par ailleurs, je m'intéresse à tous les autres arts avec lesquels j'entretiens des rapports dans la création.
C'est ton premier album sous ce nom, MellaNoisEscape.
Olivier Mellano : Oui, on va dire que les premiers albums sous mon nom, c'est ce que j'ai sorti chez Naïve Classique, mais où je n'étais pas nécessairement interprète de ces pièces-là, sauf celles pour guitares électriques. J'ai donc deux albums sous mon nom Olivier Mellano chez Naïve qui représentent ce travail de composition, très différent du projet Mellanoisescape.
Mellanoisescape, c'est le projet où je suis tout seul et où j'occupe un peu tous les postes.
Tu as tout composé sur cet album toi-même ?
Olivier Mellano : Oui, j'ai vraiment tout fait, sauf les batteries. On a travaillé à deux avec l'ingénieur-son, et on a fait tout sauf les batteries.
Le nom du projet indique une échappée... vers où ?
Olivier Mellano : Ce projet, je l'ai lancé pour faire contrepoids par rapport aux projets un peu lourds auxquels je participais. Lourds par leur ampleur, des choses un peu complexes avec pleins d'instruments. J'ai également travaillé ces dernières années dans le théâtre avec Stanislas Nordey, beaucoup de travail sur les scènes de théâtre où l'on n'a plus nécessairement un rapport physique au son, comme on peut l'avoir dans le rock, et ça me manquait vraiment. De cette petite frustration est née l'envie de retrouver le son, les clubs rock. Cette énergie que j'avais un peu quittée, non parce que je n'en voulais plus mais parce que mon parcours a fait que je m'en étais éloigné.
Justement par rapport à tes influences rock, en écoutant ton album je n'ai pas pu m'empêcher de penser à trois groupes phares : Sonic Youth, Blonde Redhead et The Cure.
Olivier Mellano : Ah ouais, c'est tout à fait logique, c'est une filiation très assumée, surtout Blonde Redhead que j'écoute tout le temps ! Depuis leur virage Misery is a Butterfly, un des plus beaux albums du monde. Et même ce qu'ils continuent de faire... pour moi c'est un des groupes les plus passionnants, et même en prenant depuis le début, j'ai une admiration incroyable pour ce qu'ils font.
Et Sonic Youth et Cure, oui, j'écoutais ça comme tout le monde de ma génération. Tu ne te trompes pas, mais il y en a d'autres !
Comme lesquelles ?
Olivier Mellano : Je ne sais pas si on peut parler d'influences en soi, mais j'aime beaucoup le groupe Fugazi, ou des choses un peu plus brutes on va dire. Et puis des choses comme Arto Lindsay, qui sont vraiment ailleurs mais qui infusent quand même sur mon travail. La musique baroque et certaines compositions classiques influent également d'une certaine manière sur mon travail.
J'aimerais que tu nous parles un peu plus de ton travail à travers quatre titres, si tu veux bien. Pour commencer, le premier titre "The best death".
Olivier Mellano : En fait, au niveau des textes, je les utilise d'abord pour leur sonorité, c'est pour cela d'ailleurs que j'utilise l'anglais. Je commence d'abord par des phrases qui sortent un peu toutes seules, sans trop de contrôle dessus, comme la fin de ce morceau, "je veux la meilleure mort et la meilleure vie", ce sont des choses qui sortent comme ça, sans qu'elles soient vraiment pensées, analysées.
Après, le travail c'est de construire le texte autour de ces choses qui sortent comme ça, et que cela colle à la carrure mélodique. Que dire quand ce sont des phrases qui sortent comme ça toutes faites ? Cela veut dire plein de choses, pour aller vite je pense qu'on se constitue tous par rapport au point de vue de notre "finitude" et que tout découle de ce point final qui est aussi un point de départ. C'est pour moi quelque chose d'assez positif. Il y aurait une sorte de chaos si nous n'avions pas conscience de cette finitude, que tout ce qu'on l'on construit est pour être en paix avec soi au moment de sa mort. "The best death", c'est un peu cela !
Après j'ai relevé "Pop chords".
Olivier Mellano : Ah, alors là c'est très différent, très pensé et très construit contrairement à "The best death". C'est une description du morceau tel qu'il est en train de se passer, quasiment note à note, partie par partie. Je dis ainsi que ça commence par neuf accords, puis la batterie rentre et la caisse claire, un arpège qui rentre, etc. Sur le refrain, je dis que je cherche les mots du refrain, c'est vraiment des descriptions. C'est un peu ce que j'ai fait sur le projet How We Tried, projet symphonique précédent, où cétait le même principe sur l'échelle d'une pièce symphonique. C'était la voix qui décrivait ce qui se passait musicalement. Je trouve que la forme et le fond doivent être la même chose, et c'était une façon de le démontrer.
On va passer sur "Sea of Noise".
Olivier Mellano : "Sea of Noise", c'est également une déclinaison – je disais tout à l'heure qu'il y avait des choses un peu poreuses entre mon travail sur les pièces symphoniques et ce disque – ce sont des bouts de textes qui ont été repris de How We Tried, c'est le début du deuxième mouvement, nous sommes sur une mer de notes, une mer de sons. Il y a une double question, pas forcément traduisible en français "How do we go where ?", "Comment allons-nous où ?". C'est la question du but et de la forme. Où on va , et comment on y va. C'est également une description de ces sensations très sonores, très telluriques que l'on peut avoir pendant ce morceau. Là encore, il y a une forme de description de ce qui est en train de se passer, de manière un peu plus métaphorique on va dire. Voilà, c'est un mélange de Pop chords et de ce qui s'est passé sur How We Tried. Je trouve cela intéressant qu'il y ait une sorte de fil rouge dans l'ensemble de mes projets, où parfois il y a des styles très différents, c'est peut-être un moyen de donner un lien entre ces différentes esthétiques.
Terminons par "Fix Time".
Olivier Mellano : "Fix Time" justement, il y a encore des phrases tirées de How We Tried. Pour ce qui est de l'idée du titre, dans les différents arts, on essaie d'arrêter le temps, essayer de se retrouver dans une sorte de point d'orgue extatique, ce sont des moments qu'on recherche quand on fait de la musique.
D'où es-tu originaire ?
Olivier Mellano : Je suis né à Paris, mais je vis à Rennes depuis les années 90 !
Tu parlais d'avoir créé un label tout à l'heure, tu peux nous en dire plus ?
Olivier Mellano : Oui c'est un label au début des années 90 à Rennes, créé avec des groupes des années 80 qui s'appelait Rrose Sélavy (ndlr : du nom du double féminin de Marcel Duchamp). C'est un mélange un peu où nous étions la nouvelle garde et il y avait l'ancienne garde à travers des groupes comme Complot Bronswick, ou End of Data. C'était vraiment les groupes rennais à l'époque de Marquis de Sade. On a sorti 7-8 albums, dont un groupe Emma qui a signé ensuite chez Lithium. C'était plutôt un collectif... Je pense même qu'il doit y avoir une page Facebook de ce label qui doit exister !
Pour la pochette, qui l'a réalisée ?
Olivier Mellano : Le tableau du recto est un tableau que j'ai choisi de Fritz Trautmann, un peintre américain. C'est un tableau de 1949, j'en ai acheté les droits au musée de Rochester. Dès que j'ai vu ce tableau, je l'ai voulu comme pochette car cela symbolisait tout ce que je voulais mettre dans le disque. Le fait que les couleurs se fassent de l'ombre, qu'il y ait une énorme boule blanche d'où venait la lumière... Il y a pleins d'éléments de lumière, de dynamique que je trouvais proches à pleins d'égards de la musique. Le reste de l'artwork a été fait par Yohann Buffeteau, qui jouait dans Montgomery, un graphiste très talentueux. On a travaillé ensemble pour essayer de décliner l'esprit de ce tableau dans tout le reste.
Merci à Olivier Mellano et à Kora d'Ulysse Productions. |