"Noir comme la nuit est noire,
Noir comme les profondeurs de mon Afrique" Langston Hughes
"C'est la dynamique de formation qui définit la forme, la sélection œuvre a posteriori"
Cold Specks est le projet musical de la canadienne (mais dont les parents sont originaires d’Afrique de l’est) Al Spx. Un nom de groupe emprunté à James Joyce et un nom de scène lui permettant de retirer tout attachement émotionnel aux chansons qui sont presque aussi énigmatiques que le genre dans lequel elle évolue : la "doom soul" ou "morbid motown". Des chansons noires et graves. Une musique étrange, ténébreuse. Le premier album de Cold Specks, I Predict a Graveful Expulsion sorti en 2012 avait déjà été un sacré choc. Cette voix, à la Tom Waits, rude et rugueuse qui se trouvait au centre des chansons et des titres qui revisitaient le folk d’Alan Lomax, le blues, la soul. Un très beau premier album donc, mais presque immédiatement désavoué par son auteur, le trouvant trop ennuyeux. Ce Neuroplasticity est la preuve de l’empressement d’Al Spx d’aller vers de nouveaux territoires.
"We move like wolves in the bleak night, we dance like ghosts deprived of fight, the body will come to understand a season of doubt,"
"I’ve got an unrelenting desire to fall apart"
Plus tourbillonnante, plus sauvage, plus sombre et plastique, la Canadienne semble avoir décidé de libérer ses pulsions, ses tensions, en s’appuyant toujours sur sa voix mais également sur ses compositions et leurs textures et arrangements (il faut de nombreuses écoutes pour en comprendre toutes les subtilités et se rendre compte que les musiciens derrière ne font pas que de la figuration). Le titre de l’album fait référence à la capacité du cerveau, des neurones à se modifier, à se remodeler, à former de nouvelles connexions et à apprendre de nouvelles choses. Une définition qui sied parfaitement aux nouvelles orientations esthétiques prises par la chanteuse et qui se reflète dans l'élargissement de la palette sonore qui pousse ce Neuroplasticity bien plus loin que cette fameuse "doom soul". De nouvelles connexions musicales également puisqu’après une apparition sur To Be Kind, le dernier album de Swans, c’est au tour de Michael Gira de participer et d’apporter sa patte (ce qui en dit long sur la couleur de ce disque) sur le titre "Exit Plan" par exemple ou avec le trompettiste de jazz Ambrose Akinmusire.
Al Spx vit maintenant à Londres et a écrit une grande partie de ce disque dans un chalet perdu dans l’ouest de l’Angleterre. Le froid pénétrant y est tangible. Alors la chanteuse se révèle être une parfaite équilibriste entre obscurité et lumière, entre soul et expérimentation. Une suave et audacieuse aventure…
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