Partition dramatique écrite et mise en scène par Jean Luc Mingot, avec Aïcha Finance et Jean-Luc Mingot.
Phèdre, prénom polysémique, représente simultanément la figure féminine mythique qui compromet l'ordre social par l'amour incestueux qu'elle porte à son beau-fils, l'incarnation de la passion amoureuse irrésistible et destructrice et un personnage immortalisé par le théâtre grec puis par le théâtre classique français.
Dans "Phèdre Forever", qui, après "Le viol de Lucrèce", "Médée" et "Les petites allumettes" constitue un nouvel opus exploratoire de sa thématique de prédilection qu'est le sort tragique de la femme, Jean-Luc Mingot croise les différents schémas qui ont traversé les siècles pour les mettre à l'épreuve de réalités contemporaines.
Celle de la condition féminine car il est des pays et/ou des cultures dans lesquelles la femme a un statut de non-droit et n'est que le corps de la soumission, de l'humiliation et de la violence, du viol au meurtre. Celle du théâtre pour questionner sur le rôle et le sens du théâtre à travers l'acte d'écriture et l'incarnation du comédien.
Procédant par enchâssement spatio-temporel, il évoque la Phèdre racinienne, victime des dieux, soumise à un amour odieux dont elle a fait l'indigne aveu et le lynchage des femmes de Hassi Messaoud, les affres du dramaturge face à un certain état de déliquescence du théâtre et, à travers la parole d'une comédienne, l'engagement total du comédien qui répond à une vocation impérieuse qui tend au sacerdoce.
Sans "spectaculaire" mise en scène, juste la rigueur du verbe et de l'incarnation, le texte, intense et douloureux, est porté par Jean-Luc Mingot habité d'une rage sourde et torturé par le doute et Aïcha Finance.
Comédienne lumineuse, si frêle et cependant dotée du don et de la puissance de tragédienne, elle se fait le corps et la voix de toutes ces femmes sacrifiées et illustre, par son jeu même, cette mystérieuse alchimie du comédien. |