C’est toujours assez amusant quand un disque venant d’outre-Atlantique semble nous dire "Mais arrêtez de dire qu’on ne peut pas faire sonner le français, si vous n’y arrivez pas c’est peut-être simplement que vos chansons ne sonnent pas, ou que vous n’avez pas de talent...".
Monogrenade ne manque pas de talent, c’est certain, ils ne manquent pas non plus d’idées et de goûts. Ils réussissent en dix morceaux (dont un instru) à nous présenter un panel de chansons allant de la pop légèrement sucrée à la noirceur froide de l’électro. En variant les styles, Monogrenade ne perd pourtant jamais "son" style, c’est-à-dire la voix chuchotante de Jean-Michel Pigeon, de prime abord déroutante il faut l’avouer, les arrangements léchés mêlant sons acoustiques et électroniques, le tout sur des paroles se dévoilant doucement comme une femme pudique. Composite donc mais cohérent.
Rajoutez à ce mélange des chansons d’une efficacité indéniable et vous tenez simplement un grand disque. Un disque qui ose tout, la grande chanson pop à violons, l’électro, le duo homme-femme pour une chanson d’amour pop sans niaiserie, le tube entêtant à la guitare légère (et aux arrangements parfaits), la chanson dépouillée piano-voix au final qui s’envole... Aucune pose pourtant, la sincérité est indéniable, comme si chaque chanson nécessitait son style propre, avec toujours ces magnifiques arrangements de corde et surtout cette voix, presque hypnotique, comme un compagnon de voyage dans des univers différents, comme le thème d’une musique de film décliné en plusieurs variations.
Cette voix, avec une petite pointe d’un charmant accent, nous glisse à l’oreille des mots simples, pas de pseudo poésie hermétique, l’écriture est fluide et pour peu qu’on y prête attention les mots se découvrent, il y a bien longtemps que l’on n’avait pas entendu quelqu’un se servir de sa voix comme d’un instrument, c’est-à-dire le mettre au service de la chanson et non pas des paroles.
C’est aussi en ça que Monogrenade se distingue, à l’écoute cela semble vraiment être l’œuvre d’un groupe où chacun a sa place, ce n’est pas "le groupe du chanteur" mais un vrai sextuor, qui comprend qui plus est un trio à cordes, c’est dire la place des arrangements...
Et il faut aussi l’avouer, il est tellement rare d’avoir de bon disque provenant de Montréal qu’on ne va pas bouder notre plaisir...
Hein ? Arcade quoi ?
|