Comédie dramatique de Harold Pinter, mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia, avec Denis Podalydès, Laurent Stocker, Christian Gonon et Léonie Simaga.
Amitié et adultère, le poison doux-amer, se répandent en effluves sur la scène du Vieux-Colombier.
Harold Pinter, le célèbre dramaturge anglais contemporain, spécialiste des rapports humains qui dégénèrent en cancer, offre là une de ses pièces les plus abouties, avec une construction machiavélique qui broie le spectateur.
Jerry est l’ami de Robert. Mais il est aussi devenu l’amant de sa femme, la troublante Emma. La scène commence à la fin de cette relation. Les adultères se souviennent. Et remontent le temps. Jusqu’aux aveux. Jusqu’à la plénitude. Jusqu’à la conquête et à la chute.
Le metteur en scène, Frédéric Bélier-Garcia, fort en vogue, a tourné le dos aux mises en scènes minimalistes qui transforment les théâtres en banquises norvégiennes. La beauté est invitée, la musique, trop forte, ensuque le texte, les lumières ruissellent, pluies exquises et dorées. Et, surtout, les comédiens sont magnifiés. Et quels comédiens !
Laurent Stocker, le plus doué de sa génération, excelle dans le rôle de cet amant veule et cet ami friable. Il retrouve son vieux compère, Denis Podalydès, inouï en tigre civilisé, la griffe molle mais le geste énervé, tueur rentré - ces gens évoluent dans le monde des Lettres - qui aime sa femme, la sublime Léonie Simaga, laquelle n’a jamais été aussi belle et aussi subtile dans son jeu.
Enfin, Christian Gonon, en serveur italien désabusé, ivre et méprisant, apporte une touche de drôlerie dans cet univers anglo-saxon violent et contrôlé.
La Comédie-Française présente là LE spectacle de cette rentrée, réussite parfaite, prouvant, une fois de plus, sa force, sa qualité. A-t-on jamais eu plus envie de ses comédiens au cinéma ?
Superbes "Trahisons". |