"Oh mama, I want to go surfing, oh mama, I don’t care about nothing" nous ont-ils fait siffler à tue-tête tout l’été 2009. Le summer hit du groupe de Brooklyn traversait la Manche en sautant, sans boire la tasse, de la vague californienne des Beach Boys à la cold-wave de Joy Division. Un hymne à la liberté aussi cool que martial et empreint d’une insouciance toute juvénile. La déferlante nous portait même, via l’habillage sonore d’une publicité, à acquérir un monospace badgé d’un lion Sochalien pour aller à la plage... Une éclaboussure de hype qu’on croyait condamnée à l’évaporation.
Trois albums plus tard, le désormais duo (Jonathan Pierce, chanteur leader, et son ami d’enfance, Jacob Graham) fait la preuve de sa stabilité sur la planche, traçant avec toujours plus d’agilité sa ligne claire, poussé par un vent glacial. Un chaud-froid caractéristique (une musique enjouée sur des textes mélancoliques) qui souffle plus d’un nostalgique de la pop romantique et sentimentale de Sarah Records.
Recentré autour de son noyau dur, affranchi des codes du groupe de rock et des étiquettes, The Drums a aujourd’hui gagné en profondeur et en intensité ce qu’il a perdu en naïveté et immédiateté. Plus rock, plus glam, son encyclopédie discographique introduite avec des références à The Wake, The Field Mice ou Orange Juice et des clins d’œil twee et sixties s’étoffe de nouveaux chapitres sur Depeche Mode (le songwriting des ballades de Martin Gore) et Suede période Coming Up et Bloodsports (le chant fervent de Brett Anderson).
Que les fans de la première heure, déstabilisés par le déroutant premier single "Magic Mountain" (bombe proto-punk qu’on dirait largué par des B-52’s en colère) se rassurent, ils danseront à nouveau les pieds dans le sable sur les cendres d’amours feux de paille. Mais les vignettes du début (réverb’, chœurs wouh-wouh, motifs de synthétiseur, soli de guitares nerveux, tambourinages et batterie syncopée) sont désormais plaquées sur un véritable "mur du son". Survitaminés, basslines, riffs électriques et bleeps électroniques transporteraient même le frêle et discret binôme dans les stades le temps des énergiques "Kiss me again", "Let me", "Face of god" et des tubesques "Deep in my heart" et "There is nothing left". Mais c’est avec le doublé "I can’t pretend" et "I hope time doesn’t change him" que The Drums remporte la party en signant les deux plus beaux slows de l’année. Mélodie imparable, ambiance dramatique, ce quart d’heure américain élégant et racé suscitera le coup de foudre chez les derniers sceptiques.
Emphatique mais sincère, Encyclopedia contient une pléiade d’œuvres fulgurantes et quasi-mystiques qui font d’elle l’un des disques cultes de 2014.
En concert le 17 novembre au Trabendo.
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