Un dimanche après-midi en deux parties aux accents britanniques, aux espaces et aux temps pourtant très éloignés.
Douglas Dare est un petit mec moderne. Derrière ses lunettes rondes, sous sa mèche blonde, avec son look de Macaulay Culkin première époque, il chante d'une voix haut perchée de longues phrases qui s'évanouissent dans les échos, en jouant un clavier un peu electro, sur une association qui fera forcément (un peu) penser à un Thom Yorke. Mais ici on prend le temps, on s'applique, on s'installe, restant un peu dans un registre familier, sans trop de prise de risque.
Il est accompagné d'un batteur nommé Fabian Prynn qui fait un amusant contraste avec l'aspect lisse du premier : avec ses airs de Daho des 80's, il est aussi tendu, incertain que l'autre est travaillé comme un produit fini. La percussion n'aura jamais autant ressemblé à un art de funambule, avec tout un stress, une tension grimaçante, des crispations au bord de la chute, qui font tout un spectacle, au service d'une rythmique diversifiée et plutôt subtile. Toute laborieuse qu'elle paraisse, on en sourit et remercie ce Fabian de donner un peu de supplément d'humanité fragile à une musique qui ne manque toutefois pas de personnalité.
Fink (Fin Greenall), lui, est un grand mec moderne. Qui a sa propre modernité. Vêtu de noir, grosses chaussures, barbe et casquette, une flopée de guitares sur le côté de la scène, qui défileront dans ses mains ; un groupe scindé l'accompagne. Les fidèles et formidables Guy Whittaker à la basse et Tim Thornton à la batterie, sont appuyés par deux jeunes gens, plus effacés mais efficaces, à la guitare électrique et au clavier.
Difficile d'imaginer que ce grand gaillard a débuté par de l'électro, ce qui lui vaut d'être, encore aujourd'hui, sur le label Ninja Tunes, il est aujourd'hui un bluesman folkeux réputé, renommé, sold out dans la plupart des salles qu'il traverse. Sûr que Fink a un style bien particulier, des ballades ciselées, une voix douce, une intensité tenue… mais voilà, parfois quand même, Fink fait sacrément du Fink : tout heureux on croit reconnaître un titre et puis "Ah, en fait non", mais c'est à s'y méprendre, il faut bien l'avouer. Ceci dit, le set est ponctué de superbes morceaux en "fresh acoustic style" où lui s'assied, où le batteur s'avance, sur un cube de bois, et les Etats-Unis surgissent pour un blues de derrière les fagots, délicieusement bayouesque, et il a plein de doigts à faire courir sur ses cordes.
Alors oui la recette marche, la sauce prend, la chantilly monte, et le public le lui rend bien, ça le fait sourire ce grand gaillard, qui a l'air tellement sympathique. Et qui enchaîne les jolies chansons romanesques, et les gratouillis complexes d'un autre temps, d'un autre lieu, sur l'une de ses multiples guitares ; toujours avec sa voix douce derrière sa grosse barbe et son sourire. Il alterne essentiellement des titres de ses trois derniers albums : Sort of revolution, Perfect darkness, et le dernier né Hard believer. Le concert avait commencé par le titre "Pilgrim", avec une montée subtile, un feu latent, ne cédant jamais au cliché de la fin en grands éclats, en apothéose, mais restant à la limite, en eau frémissante. Et clairement, ils ont su garder ce frémissement tendu, cette attention, avec la variété de genres, certes limitée, mais authentique, qui fait que si Fink fait du Fink, c'est bien pour cette intégrité-là qu'on l'aime. |