Comédie de Molière, mise en scène de Hervé Pierre, avec Simon Eine, Catherine Sauval, Alain Lenglet, Jérôme Pouly, Pierre Hancisse, Noam Morgensztern, Claire de La Rüe du Can et Pauline Méreuze.
Comment mieux appliquer le nom de "tragi-comédie" qu’à "George Dandin", cette pièce tellement à part de Molière ?
Un paysan enrichi a épousé la fille des Sotenville, Nobles démunis heureux de pouvoir redorer le blason. Mais le rustaud doit garder à l’esprit l’honneur qu’on lui a fait.
Et l’épouse de jouer à la coquette, et les domestiques de la bien servir, et le pauvre Dandin de s’indigner de son sort. Le malheureux devra s’excuser même de son infortune et rentrer dans le rang.
Drame presque "social", comédie amère sur les mariages mal-assortis, le texte serre le cœur tant le brave homme ne dispose pas des armes, les mots, le savoir-faire, le savoir-dire, la tempérance, la ruse mondaine, qui lui permettraient de triompher dans cette bonne société dont il n’est qu’une pièce rapportée et un benêt dupé.
La mise en scène d’Hervé Pierre, comédien de génie, qui transpose l’action au 19ème siècle, inversant l’ordre, et transformant les aristocrates désargentés en bourgeois rapaces et cyniques, et le paysan en chevalier pâle, harnaché de sa bonne foi et de son honneur, fait montre d’une compréhension fine du sujet : le noble est celui est celui qui n’a que la vérité pour défense, et non l’aveuglement ou le stratagème.
Le décor conçu par Eric Ruf, forêt sculptée qui accroche les vêtements, autant que les danses de lucioles, osent une beauté (scène de la nuit, superbe) qu’on attendait.
La distribution est à la hauteur des mots, de l’intention et du travail accompli : Jérôme Pouly, arbre de douleurs en automne, gémit, crie, supplie et enjoint, avec des accents inoubliables, il est George Dandin, jusqu’à la fracture ouverte.
Claire de La Rüe du Can est somptueuse, retorse, animal pris au piège et qui ose danser malgré le piège mordant qui déchire sa cheville. Pierre Hancisse est un excellent Clitandre, petit gredin-gandin insolent et scintillant, tandis que les parents complaisants, le bel Alain Lenglet, exquis, fin, au bras d’une Catherine Sauval effrayante de rouerie et de rapacité, accomplissent leur pas de pantins, arrachant rires et indignation.
Le couple de domestiques - Noam Morgensztern et Pauline Méreuze - est parfait. Simon Heine, enfin, comédien légendaire, incarne Colin, vieux domestique qui garde la nuit et ses sortilèges.
D’un des plus beaux sujets de Molière, sa troupe a réussi là un des plus brillants spectacles de ces dernières années. |