Comédie dramatique d'après une pièce de Jon Fosse, mise en scène de Elizabeth Czerczuk, avec Elizabeth Czerczuk et Delry Guyon.
Après le captivant et atypique spectacle "Matka ou la mère maquerelle" qui appliquait la théorie de la Forme pure élaborée par Stanislaw Ignacy Witkiewicz, la comédienne, dramaturge et metteuse en scène Elizabeth Czerczuk présente une adaptation de "Rêve d'automne" de Jon Fosse dans une forme qu'elle explore et travaille de manière récurrente destinée à "faire percevoir, par l’acte théâtral, la présence d’une autre réalité derrière les sensations immédiates".
Ce qui se traduit par une hybridation artistique qui ne correspond pas à la pratique contemporaine de la pluridisciplinarité mais ressortit au théâtre expérimental des avant-garde du début du 20ème siècle, notamment celui affilié au surréalisme, s'inscrit dans l'héritage des réformateurs polonais et tend au théâtre total par l'inclusion de la musique et de la danse.
Pour le spectateur, cela implique de faire abstraction des codes de la représentation et de jeu usités sur les scènes contemporaines pour se laisser immerger, avec, si possible cette innocence du bienheureux candide, dans une autre dimension en synergie avec les émotions véhiculées par les acteurs.
Ce théâtre chorégraphié régi par une gestuelle expressionniste appuyée, qui toutefois s'affranchit du réalisme, sied à la partition de Jon Fosse dont la situation repose sur le ressassement de traumatismes émotionnels par des personnalités mélancoliques porté par un verbe minimaliste.
"L'Adieu à l'Automne" se concentre sur deux des personnages de la pièce originelle, un homme et une femme qui se sont aimés, puis quittés et se retrouvent inopinément dans un cimetière. Leur amour peut-il revivre et combler leur douloureuse solitude et l'effrayante finitude de l'être ?
En fond de scène des images projetées d'arbres noirs, un plateau jonché de feuilles mortes et un tumulus de terre, des lumières ténébreuses de Sharron Printz présagent de la nuit qui va engloutir le couple interprété par Elizabeth Czerczuk et Delry Guyon après l'acmé d'un pas de deux sur un tango déstructuré composé par Matthieu Vonin qui signe la partition musicale hypnotique qui accompagne ce huis-clos qui convoque Eros et Thanatos.
La présence et l'intervention de figures de l'ombre, matérialisées par la présence fantomatique des danseurs Khaly Hammar et Hayssam Hoballah, introduisent un élément d'inquiétante étrangeté qui accentue le décrochage du monde visible.
Ce spectacle atypique qui constitue une curiosité, au bon sens du terme, au regard de la scène actuelle est assurément à découvrir et à soutenir. |