Spectacle chorégraphique conçu et mis en scène par Dada Masilo, avec Dada Masilo, Nadine Alexa Buys, Sonia Zandile Constable, Phindile Kula Thami Majela, Songezo Mcilizeli, Ipeleng Merafe, Llewellyn Mnguni, Refiloe Mogoje, Khaya Ndlovu, Thabani Ntuli, Cindy Okkers, Nonofo Olekeng, Kyle Heinz Rossouw, Xola et Tshepo Zasekhaya.
Aux antipodes de la danse académique comme de la danse abstraite et résolument iconoclaste, la jeune chorégraphe sud-africaine Dada Masilo ne s'embarrasse ni de la tradition chorégraphique ni des dogmes dramaturgiques et entend bien traiter à sa manière, celle d'une danse narrative et d'une danse-fusion résolument métissée, des thématiques contemporaines.
En 2013, avec les danseurs de la Compagnie The Dance Factory, elle a enchanté le public et scotché les doctes critiques avec "Swan Lake", déclinaison du mythique "Lac des Cygnes" revu et corrigé à l'aune de la danse zoulou et des thèmes de la différence et de l'intolérance avec un prince Siegfried amoureux d'un cygne noir homosexuel.
En 2014, elle revient en France avec un spectacle intitulé "Carmen" qui s'inspire de l'héroïne de la nouvelle de Prosper Mérimée transcendée par l'opéra éponyme de Georges Bizet qu'elle revisite pour aborder un phénomène de société.
En effet, elle détourne le personnage mythique de Carmen, précurseur de la femme fatale par son pouvoir d'attraction sexuelle et figure tragique inspirant un amour possessif et destructeur qui conduit au crime passionnel, pour l'ériger paradoxalement en symbole des femmes victimes de violences conjugales et sexuelles.
Elle modifie également le dénouement de l'argument original, le dépit amoureux et la jalousie ne conduisant non au meurtre mais au viol de Carmen et à l'assassinat du coupable par son nouvel amant.
Mêlant avec frénésie, celle des townships de son pays, danse contemporaine et flamenco avec de fortes instillations de la gestuelle de la danse zoulou, le spectacle est constitués de tableaux alternant d'étourdissantes scènes chorales, notamment entre les belles et rivales cigarières, empruntant à la danse tribale comme à la revue et des duos envoutants, de lyrisme pour la douce et soumise Micaëla amoureuse de Don José ou de fureur érotique pour Carmen.
Dada Masilo incarne une Carmen animale, flamboyante et torride, femme libre et insoumise, qui ne procède pas par minauderie suggestive de sa disponibilité mais assume et exprime explicitement son désir.
Un an après "Swan Lake", ce spectacle présenté en septembre 2014 à la Biennale de danse de Lyon, a rencontré le même succès public mais essuie des avis critiques nettement plus nuancés, voire même négatifs et parfois iniques quand est reproché à la chorégraphe la conception d'un spectacle commercial en forme d'espagnolade entendue de manière péjorative alors même qu'elle existe dans l'oeuvre de Bizet qui ressortit à l'opéra-comique et ne rechigne pas au pittoresque.
Peu ou prou, ceux-ci vilipendent ce qu'ils avaient encensé comme s'ils se repentaient d'un trop grand enthousiasme premier. Il est vrai que "tout passe tout lasse" en ces temps de quête de nouveauté acharnée et que Dada Masilo décline le même vocabulaire chorégraphique dont le syncrétisme singulier ne produit plus l'effet de surprise initial.
Cela étant, elle réussit à transmettre au grand public la beauté et la sensibilité de son art et l'exultation des corps dans la passion de la danse. Et ce n'est pas rien. |