C’est entre télévision et histoire qu’Alexandra de Broca vit sa passion pour l’Histoire. Romancière, scénariste, productrice, elle a prêté sa plume aux feuilletons de l’été, à une pièce radiophonique pour radio France, L’Allée du roi, La Pompadour, La martyre du temple… Devinez vers quelle période vont ses pensées ? Le XVIIIème siècle. Les robes meringuées et la Révolution Française.
Il semblerait que l’ensemble des faits ne sera jamais écrit sur ces temps sanglants. Alexandra de Broca a choisi le tragique destin de la princesse de Lamballe pour ce nouveau roman : Monsieur mon Amour. Lamballe, Lamballe, ce nom me rappelle quelque chose… Mais quoi ?
Marie-Thérèse de Savoie-Carignan est riche, belle, fortunée, de sang royal, torchée à la dentelle et nourrie à la cuiller en argent. Marie-Antoinette l’a précédée dans l’union royale, peu lui importe, les bons partis ne manquent pas à la cour. Ni les jeunes arrogants désireux de rétablir leur réputation (et leur finances) par le mariage avec une gentille femme de belle réputation (et à la dot alléchante). La voilà donc mariée par contumace au prince de Lamballe, descendant d’un bâtard de Louis queutard (quatorzième du nom).
La jeune et jolie princesse ravale vite son enthousiasme. Son mari est un horrible pervers complètement dégueulasse qui la fait violer nuit après nuit par un libidineux valet complice. Sa fierté et sa dignité toutes royales l’aident à maintenir la tête haute. Le jour, elle est la favorite et la confidente de Marie-Antoinette (au Louis XVI peu entreprenant), la nuit, elle est la victime et la proie d’un mari violent.
Un an de mariage plus tard, la voilà veuve. Sujette à de mystérieux malaises, elle devient la risée de la cour, remplacée dans le cœur de sa reine par la marquise de Pontillac. Et folle amoureuse de Philippe d’Orléans, le mari de la sœur de son feu époux décédé, son beau-frère.
Puis vient la Révolution, le peuple affamé, poussé par quelques beaux orateurs gronde et se soulève, pointe du doigt les riches, les princes, les fidèles de la royauté, le sang bleu… Tous ceux qui n’ont pas faim. Tous les Capétiens, plus ou moins descendants d’Hugues et de ses lointains cousins Bourbons.
Le roman se situe en 1792. Le royaume de France n’est plus tout à fait royaume et pas encore patrie. Marie-Thérèse de Lamballe a fui, puis est rentrée rêver sa vie au plus près de son Philippe d’Orléans fantasmé (pour soutenir sa reine également). A quoi ces femmes bien-nées pouvaient bien penser en prison ? Comment occupaient-elles leur temps ?
Alexandra de Broca répond à cette question de manière tout à fait romantique. Marie-Thérèse de Savoie, princesse de Lamballe écrit à son amant imaginaire, elle aligne ses souvenirs sur du papier destiné à son Philippe d’Orléans. Et si vous n’avez pas grand souvenir de vos cours sur la Révolution Française, c’est le moment de vous rappeler que c’est sous le nom de Philippe Egalité que ce monsieur d’Orléans signe l’élargissement de son cousin Louis XVI (il sera lui-même élargi quelques mois plus tard. Mais si ! La Terreur : tous les personnages cités auront la tête coupée !).
Et c’est à ce moment là que m’est revenu le souvenir de la princesse de Lamballe, un tableau magnifié d’horreur qui fait froid dans le dos. Un musée de la Révolution "Profanation du cadavre de la duchesse de Lamballe".
Alors qu’elle passe pour une bécasse, doublée d’une sotte et triplée d’une naïve guindée, Marie-Thérèse illustre à elle seule la folie des hommes. Et c’est là que réside le talent d’Alexandra de Broca : mettre les mots sur un passage obligé de notre histoire, quelque part entre la déchéance de l’humanité et le puissant sentiment de liberté soufflé par la tragédie de la Révolution.
Quinze lettres imaginaires nous replongent dans la période la plus troublante de notre Histoire, déchainant les passions, emportant tout sur son passage, douloureuse et immortelle. Loin du débat de ce qui nous semble aujourd’hui injuste, loin du gâchis, loin de la sauvagerie des hommes, Alexandra de Broca nous livre un formidable message d’espoir et de courage dans la douloureuse tourmente révolutionnaire. |