Naufragé sur l'île de la douleur, un homme à la paternité kidnappée et ravagée à la suite du divorce qu'il a initié pour se sauver de la tentation suicidaire résultant d'un "mariage mortel", lance une bouteille à la mer en direction de ses enfants aimés dont il est séparé depuis plus d'une décennie.
Mais l'homme est écrivain, comme Christian Morel de Sarcus, l'auteur de cet opus intitulé "Votre père", et sa missive revêt une forme en ce qu'il s'affranchit des registres littéraires et pourrait ressortir aux miscellanées.
Au demeurant Christian Morel de Sarcus le qualifie de "chaos d'un nouveau genre" et le présente de manière éclairante sur la quatrième de couverture en indiquant qu'il s'agit d'un "récit-roman, où incantation, introspection, poésie, dramaturgie et dévoilement impitoyable alternent avec le réquisitoire déchirant d'un homme trahi et trompé qui refuse le traitement ordinaire l'oubli et le mépris".
Ainsi, hors de toute linéarité, transcendée par l'écriture et modelée par la représentation discursive de soi, la partition, qui procède de l'autofiction, se positionne à la croisée des genres.
Lettre ouverte et confession, réquisitoire et plaidoyer, elle croise les temporalités pour évoquer sans concession ni complaisance "un grand amour de jeunes gens qui a tourné en un naufrage minable" et constituer un viatique pour les enfants nés de cette union pour leur permettre de prendre leur distance au regard d'une "parentèle infecte" tout en apportant sa contribution à leur histoire dont une partie a été, sinon effacée, du moins corrompue, et qui ferait office d'antidote au poison maternel distillé par une femme au psychisme altéré.
Simultanément, elle dresse l'autoportrait lucide de l'homme "amoureux et déchiré, assoiffé et meurtri et aimant assez la souffrance", au destin tragique et à la "fuite anti-héroïque" et aborde l'essence de l'écriture qui se nourrit de la souffrance de l'écrivain.
L'écriture de Christan Morel de Sarcus est belle et violente. Il en use comme d'un scalpel qui dissèque les corps et les âmes en quête d'une impossible résilience. Elle est l'épée du cavalier de sa propre apocalypse qui traque et pourfend la félonne.
Elle est aussi la douce plume de cette ode à l'amour paternel qui laisse à l'air léger le soin de la porter vers ses enfants chéris. |