Dawn Richard vient de loin. D'abord repérée lors d'une télé crochet organisée par P. Diddy puis chaperonnée par ce même producteur, elle intègre la formation du girl band RnB, Danity Kane. Artistiquement limitée par l'écurie Bad Boy Records, elle provoque en partie la séparation du groupe après la sortie d'un album au titre suffisamment équivoque quant à l'implication des jeunes chanteuses dans leur direction artistique : The Doll House. Et alors que les fans du groupe au destin fugace (de nombreuses rumeurs de réunion alimentent régulièrement l'actualité des anciennes DK) s'illuminent à la moindre rumeur de reformation, Dawn Richard s'élance seule à la conquête d'un univers artistique qu'elle n'avait pu exploiter dans sa formation précédente.
Déjà en 2013 avec l'opus Golden Heart, Dawn Richard surprenait son monde avec des productions agréablement modelées autour d'une électro soft mais indéniable. Et par bien des aspects, Blackheart reprend cette même ligne directrice et porte au niveau supérieur les envies d'expérimentation qui semblent avoir pris le pas sur la créativité de l’artiste.
Véritable épopée sonique, Blackheart fait donc la part belle à l'expérimentation et construit son équilibre autour de quelques notes de piano éparses, de percussions dynamiques et d'une électro décadente débridée. Ainsi, le titre éponyme "Blackheart" relaie au second plan le chant, au profit d'une composition à mi-chemin entre une mélodie de boîte à musique et une électro bondissante.
Tout autant retors que joueur, l'album brouille les pistes en changeant de forme d'une production à une autre, quand ce n'est pas sur la même chanson. C'est en effet l'un des atouts les plus surprenants de Blackheart : le plan d'un même titre peut se modifier en un éclair, ne laissant en fil rouge que les vocalises de Dawn Richard. Cette voix qu’elle a chaude, tirant parfois sur le nez, fait quelques merveilles quand elle n'est pas dépassée par une trop lourde utilisation de vocodeur.
Fort heureusement, des titres comme "Adderall Sold (Outerlude)" sont de véritables concentrés de fraîcheur : dépassant allègrement les 5 minutes, ils conjuguent un bon nombre d'éléments, depuis la boucle vocale, en passant par des basses électroniques ou une improbable guitare électrique.
Un foisonnement impressionnant qui témoigne à lui seul de la richesse entourant ce Blackheart. Si le chant irritera certaines oreilles, avec une mauvaise habitude à tenir les notes trop longuement, Dawn réussira malgré cela à proposer des titres plus que convainquants quant à la maîtrise de son organe vocal ("Titans"). Enfin, le véritable charme de Blackheart réside dans un équilibre confortable entre up-tempo aux rythmes presque guerriers ("Blow") et mid-tempo ne cédant jamais totalement aux sacro-saintes balades qui sont pourtant synonymes de RnB ("Warrior").