"C’est un jardin extraordinaire, il y a des canards qui parlent anglais,
Je leur donne du pain ils remuent leur derrière en m’disant "Thank you very much Monsieur Trenet"
On y voit des Statues qui se tiennent tranquilles tout le jour dit-on
Mais moi je sais que dès la nuit venue, elles s’en vont danser sur le gazon"
Quel est le rapport entre le fou chantant et la musique de Manuel Bienvenu ? Pas grand-chose à première vue mais cet Amanuma (du nom d’un quartier de Tokyo et non pas Ummagumma, mais c’est de la même espèce) est aussi un jardin extraordinaire. Un jardin rempli de mille musiques, de mille éclairs, de mille mélodies et de milles harmonies. Un jardin à l’Anglaise, à la Française et à la Japonaise aussi. Ici, tout est luxuriance et belles rondeurs, et on y goûte les fruits sucrés de la liberté.
Manuel Bienvenu est un homme, un musicien épris de liberté donc et cela s’entend forcément dans sa musique. Et comme disait Miles Davis à propos de Wayne Shorter : "la liberté en musique consiste à connaître les règles afin de les plier à votre plaisir et à votre goût". Une liberté qui lui permet de voyager à travers les styles (de la pop au jazz, de la bossa au psychédélisme ou au post-rock…), à travers les lieux (France, Angleterre, Afrique et le Japon qui tient une place importante dans la vie de Manuel Bienvenu) et les époques (en gros des 70’s à 2020…).
La musique de Bienvenu respire dans de superbes hauteurs et entraîne irrémédiablement (si l’on prend soin de l’écouter correctement) vers le haut en un subtil mouvement ascensionnel. Elle est une empreinte du temps présent, du temps du vivant, celui entre l’écriture et l’improvisation (même si cet Amanuma est très écrit). Le Français porte un soin méticuleux, aux climats, à l’écriture (on dépasse les 3 accords en mouvements par titre) au son, à sa profondeur, à sa rondeur où la qualité de l’enregistrement (avec sons naturels) est aussi importante que celle des musiciens.
Et ici, c’est clairement et définitivement le cas ! Ils sont nombreux à participer avec une certaine virtuosité à ce disque : Thierry Chompré et Jean-Michel Pirès : batteries, Benoît Burello : basse, chant, Masayuki Ishii : guitares électriques, Colin Ozanne : clarinette basse, clarinette, saxophone, Charlie O. : Hammond A100, Manuel Decocq : violons, chant, Paul-Marie Barbier : vibraphone, Yann Louineau : guitare douze-cordes acoustique, Albain Lutaud : funk&shout, Stéphane Rosière : écriture, lecture (café gitane) et donc Manuel Bienvenu : pianos, orgues, sons, guitares électriques, chant.
Ce disque se vit comme une odyssée (spatiale), un voyage où l’on croise aussi bien (pour ceux qui aiment le name dropping !) : Captain Beefheart, Herbie Hancock, Weather Report, George Russell, Gainsbourg ou Tellier que Soft Machine, Gong, Talk Talk, Eno ou Rundgren (des influences assumées). Musicien bien trop rare, trois albums avec cet Amanuma en une dizaine d’années : Elephant Home en 2005 et Bring me the head of Manuel Bienvenu (avec une première sortie au japon en 2007 puis en France en 2010), le compositeur Français sait pourtant se rendre indispensable.
Musicien du sensible, Manuel Bienvenu nous offre un album, où chaque facette entraîne dans un monde harmonique et mélodique. On plane au-dessus de contrées, où parfois on semble reconnaître Canterbury qui, comme le souhaite le musicien : "ne s’inscrivent ou ne se démarquent des autres styles", on se perd parfois entre rêve et réalité ("Seventeen", la reprise de Michael Mantleron, survole des septièmes de dominantes, des neuvièmes sans fondamentales, des pays, des jardins… aux arrangements, à l’instrumentation (les cordes dans "Landscape", "Years to run", la clarinette basse dans "Churrigueresque", "Summers in Submarines") à l’architecture, aux modulations continues, aux harmonies et mélodies ultra-soignées. A noter que la version Française et la version Japonaise sont un peu différentes l’une de l’autre (pas exactement le même tracklisting et certains morceaux sont un peu différents). Superbe, vraiment superbe !
Bien heureux soient les enfants en vacances, pour les autres il y a quand même de quoi se divertir encore cette semaine avec notre sélection culturelle. Et toujours Le replay de la MAG#91 disponible...Pensez aussi à nous suivre sur nos réseaux sociaux.