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MC 93  (Bobigny)  avril 2015

Comédie dramatique de Karl Kraus, mise en scène de Nicolas Bigards, avec Dimi Dero, Béatrice Demi Mondaine, Mystic Gordon, Vladimir Barbera, Guillaume Delalandre, Élisa Delorme, Clément Delpérié, Marie-Anne Denis, Timothée François, Guillaume Laloux, Teresa Lopez-Cruz, Simon Mauclair, Léa Miguel, Nolwenn Peterschmitt, Denis Boyer, Elsa Ritter et Stéphane Bensimon.

Si l'on voulait d'emblée se mettre dans les pas de Karl Kraus, et chercher à imiter ses aphorismes géniaux, on dirait pour qualifier tout de suite le travail monumental de mise en scène de Nicolas Bigards : "Quand une telle ambition est justifiée, elle rend nécessaire une pareille inconscience".

Car, il faut être sacrément fou d'orgueil et totalement sûr de son talent pour oser simplement tenter de mettre en forme scénique "Les derniers jours de l'humanité", œuvre invraisemblable et inmontable, faite pour être jouée dix soirées de suite et qui comprend des centaines de personnages et plus de deux-cents scènes.

Karl Kraus, satiriste autrichien, publiciste, rédigea seul pendant des décennies un journal, "Le Flambeau" où il s'en donnait à cœur contre les corps constitués, politiques et religieux, contre la société bourgeoise et surtout contre ses "collègues" journalistes.

Dans "Les derniers jours de l'humanité", foisonnante et exhaustive description presque jour après jour de la première guerre mondiale commencée en 1915, il ne se sert que du "vrai", compilé ça et là dans les déclarations des uns et des autres, lu sous la plume des correspondants de guerre ou des éditorialistes. Ainsi sous sa phrase acérée et son regard perçant, aucun des ignominies, petites ou grandes, ne lui échappent.

Pour retranscrire cette ambition insensée, Nicolas Bigards et sa scénographe Chantal de la Coste n'ont pas voulu d'une scène frontale, incapable d'animer la polyphonie sous-jacente à ce projet fourmillant de lieux et de personnages. C'est donc dans une grande salle que les spectateurs sont appelés à déambuler et à suivre des événements se télescopant sur un dédale d'estrades.

Une partie de la salle, disons un bon quart, est occupée par un café viennois avec terrasse d'où éclate la nouvelle de la guerre et de la mobilisation générale, et où l'on reviendra quelquefois pour suivre des scènes farcesques, comme celle où les serveurs mutilés de guerre s'ingénient à ne pas servir des clients en temps de pénurie où il n'y a manifestement plus rien à manger.

Près du café, il y a un orchestre d'où viendront diverses musiques, d'abord en rapport avec le conflit puis plus nettement rock. C'est d'ici, qu'au micro, sont lues les intentions et les avertissements de Karl Kraus : "Quiconque a les nerfs fragiles, bien qu'assez solides pour endurer l'époque, qu'il se retire du spectacle".

S'enchaînent alors sur les différents terrains d'opération des scènes et des discours en rapport avec la boucherie qui prend forme. De l'ivresse patriotique au désenchantement de la mitraille, des profiteurs de guerre aux propagandistes de la désinformation, des mondaines au petit bourgeois, tout le monde, à tour de rôle, vient au-devant d'une des scènes pour tenir son rang et raconter ses fadaises. Le trait de Kraus est cruel et bien rendu par la vingtaine d'acteurs et d'actrices du Collectif Zavtra, qui empruntent tous les travestissements.

Vient le moment où la guerre s'éternise et devient une horreur sans fin. C'est le temps de découvrir que sous le labyrinthe d'estrades, Chantal de la Coste a habilement reconstitué un autre labyrinthe: celui des tranchées et de ses hommes voués à la mort et à la folie.

Cette version de deux heures se suffit en elle-même. Elle n'a rien d'une bande-annonce de l'impossible "pièce martienne" de Kraus. Elle est pleine de bruit, de fureur et d'ironie sur ce que la guerre moderne veut dire. Œuvre digne des dessins de Georges Grosz, elle n'est pas d'un pacifisme bêlant et s'achève en apothéose dans un méli-mélo orgiaque où Eros et Thanatos auront du mal à retrouver leurs siens.

On n'oubliera pas de souligner la présence grandiose de Béatrice Demi Mondaine, accompagnée de Dimi Dero et de Mystic Gordon. Ce trio bien connu de la scène du rock alternatif, ici en "smoking classieux" apporte à l'ensemble une espèce d'énergie intemporelle qui ne nuit pas à la virulence de Karl Kraus. Dans une ambiance de cabaret berlinois aux éclairs de "Velvet", Demi Mondaine s'est faite une voix à la "Noir Désir" pour perturber de son cri le désordre et le silence de la guerre.

Là aussi, Nicolas Bigards ne s'est pas trompé : la fusion des deux univers n'est pas incongru et donne au spectacle encore plus de force et justifie qu'on fasse l'effort d'aller le voir.

Quant à ceux à qui ce beau spectacle aura légitimement donné envie d'en savoir plus sur Karl Kraus, qu'ils se reportent au catalogue des Editions Agone. Thierry Discepolo, âme de cette courageuse maison marseillaise, n'est pas pour rien dans la salutaire reconnaissance de Kraus dont la réussite du travail de Nicolas Bigards marquera une nouvelle date.

 

Philippe Person         
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