Gloires
(Autoproduit / La Route Productions) février 2015
"Moi qui me prétends écrivain, et bien ce soir je n’ai rien à dire, ce n’est pas à coup de silence que l’on bâtit son empire, me souffle ma conscience, et moi je n’ai rien à dire" ("Rien à dire"). Premiers mots de Jérémie Bossone. Désespoir de la page blanche ou critique des médias trop bavards à mauvais escient ?
La voix doucement écorchée d’un rockeur triste et le timbre d’un chuchoteur d’âmes, vous savez, ceux qui écoutent, qui soutiennent et qui soignent, les amis. Jérémie Bossone a la voix des amis chers, ceux qu’on peut appeler à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, ceux qu’on ne veut pas déranger et qui sont toujours les bienvenus. Mais revenons-en aux sources, d’où sort-il ?
Jérémie Bossone a proposé son premier EP en 2011. De rencontres en collaborations plus tard, 2015 nous voilà avec son premier album : Gloires. Guitares et chanson française. Mélancolique et désabusé. Un explorateur des sentiments et ses contradictions. Du genre jamais content ?
Une reprise de Barbara avec un ton équivalent démontre la maîtrise vocale de Jérémie Bossone, il grimpe dans les aigus sans sourciller, pas évident. Le titre reste féminin sous sa patte. Et un poème allemand "Der Leiermann" ne laissera pas indifférent les auditeurs en mal d’ailleurs.
L’artiste a puisé son inspiration entre les bistrots, les femmes, la gloire, la mort… le passé, le présent, le futur ?
Jérémie Bossone chante la drague, la suite et la fuite ("Décomplexe") : on fête ses vingt ans, on les jette dans le printemps, on vit une heure, on gueule on brille, on va seul et on vacille" ; ("Les amants de la Seine") "nous laissions glisser nos cœurs sur le fil de ces heures le long de la Seine […] où sont-ils tous ces jours et ces amants ?"
Il chante la vie, la perte et la mort ("Le cargo noir") comme le passager de ses heures sombres, pas la même sombrure que Dexter, l’autre, plus commune et plus facile : la tristesse. Et puisque c’est un homme, il distille des images lubriques tout au long de sa musique : "les coups de trique que donne Nounours entre tes fesses qui apprécient » ("Le cargo noir"), "t’es un ange mademoiselle, avec tes hanches qui tanguent et ton cul qui déchire" ("L’empire"), "tu gémis, je te renverse, refais moi ton numéro de catin libre et perverse" ("L’érotique"), "je fus un vrai vicieux comblé de fellations" ("La tombe")…
…face aux visions morbides : "cette tombe elle sera mienne, c’est la ronde des humains" ("La tombe"), "quand les hommes auront brandi le drapeau de la haine, je cracherai dessus et m’en irai" ("Galway"), "et quand les rois auront bien ri, peut-être qu’il se tranchera les veines et s’écroulera dans ses écrits" ("Scarlett"), "mais le temps ronge ses amants comme l’océan ses épaves" ("Le cargo noir").
L’alcool, les femmes, la mort, le sexe, Gloires balance entre manichéisme noir-blanc, pour trouver le monde un peu plus gris. Pas franchement joyeux, pas franchement déprimant, cet album de Jérémie Bossone porte la douleur de l’artiste et la soif de liberté dans l’ailleurs.
Ce bel été indien se termine sur des orages, du tonnerre et des inondations terribles. Décidément 2020 ne nous épargne rien. Dans l'espoir de jours meilleurs et se faire plaisir au milieu de tout cela, voici notre sélection culturelle de la semaine.