Joyce Carol Oates, écrivaine américaine plus que prolixe, auteure de romans, nouvelles, de théâtre, de poésie, d’essais, de romans poiciers, principalement connue pour son roman Blonde inspiré par Marilyn Monroe, publie chez Philippe Rey un court roman, ou une longue nouvelle si vous préférez, Premier Amour, sous-titré "Un Conte Gothique".
L’été de ses onze ans, Josephine Carolyn S., Josie, arrive avec sa mère, qui vient de quitter son père sans qu’on sache vraiment pourquoi, dans la maison de sa grand-tante Ester et de son cousin Jared, jeune homme de foi âgé de vingt-cinq ans aux chemises blanches, pures, toujours impeccables. Bientôt, se crée entre lui et Josie une relation mi amoureuse mi sadique. Racontée par Josie, qui ne semble pas vraiment comprendre ni ce monde d’adulte, basé sur les non-dits, les silences, les secrets, ni ce qui se passe, ce qui se joue entre elle et son cousin. Son premier amour, c’est ce que croît sincèrement vivre Josie, presque en pamoison devant Jared, pourtant le lecteur sait, voit que ce n’est pas vraiment d’amour dont il s’agit.
A la lecture, on se sent parfois un peu poisseux, un peu sale, un peu mal à l’aise, comme les personnages qui se promènent les après-midi d’été le long du marais et de la rivière. Roman troublant, dérangeant d’autant plus que rien ne semble déranger la petite Josie, pas même sa mère qui s’absente avec de multiples amants, pas même son obsession pour Jared. Il faut comprendre, lire entre les lignes, beaucoup de choses sont suggérées, d’autres moins. Joyce Carol Oates joue avec les animaux, et leur symbolique, le serpent, les crapauds, elle réussit également grâce à son utilisation maline des changements typographiques, à faire entendre la voix de Jared qui se trouve en permanence dans la tête de Josie, comme une litanie, comme des mantras qu’elle se répéterait sans cesse avec sa voix à lui, comme pour bien nous faire comprendre l’emprise qu’il a sur elle, pour nous faire accepter l’inacceptable.
Alternant la narration en Je et Tu, nous sommes cantonnés dans le rôle de voyeur, Premier amour est dépourvu de toute morale, sans montrer plus qu’il n’en faut, par simplement quelques scènes il livre le passage initiatique de l’enfance à l’adolescence. Joyce Carol Oates dépeint des rapports familiaux sans réel amour, des mères qui ne sont pas des mamans, l’hypocrisie de la religion, elle réussit surtout à déranger sans Joyce Carol Oateschoquer, ce qui est plutôt rare. |