La fameuse nouvelle scène musicale française est l'objet d'une OPA amicale des jeunes adulescents qui n'ont pas tout à fait quitté l'enfance mais qui croquent déjà à belles dents les roses de la vie.
Après l'avalanche d'auteurs-compositeurs-interprètes masculins affectionnant les noms en forme de double prénom, voici en symétrique la déferlante féminine qui se contente d'un prénom.
Parmi elles, physique hybride de Kate Bush et Liane Foly, Daphné a placé son premier album L'éméraude sous le signe du vert de l'émeraude, couleur de la vie et du printemps, couleur de Venus, déesse de l'amour et de la beauté pour un répertoire romantico-sensuel.
Et si d'aucuns vient les chansons de Daphné comme un pays imaginaire de contes et de légendes, il faut préciser qu'il ne s'agit pas de contes pour enfant.
Car Daphné, la chasseresse, si elle veut pas vivre dans une pomponnière et reste insensible à la danse de la muselière ("L'insoumise"), elle ne se lasse cependant pas de traquer l'amour sous toutes ses formes et le grand méchant loup risque bien de se faire dévorer.
En filigrane dans "Un homme sous influence" sur la perte de l'être aimé ("L'homme qui n'entend plus le berceau de son cœur/Tellement il n'y tient plus au parfum du bonheur"), "Anna" sur l'enfance perdue ("Un nid de roses autour de toi j'ai mis/Comme une guirlande de choses pour là où tu es partie/A toutes petites doses on tombe du nid/Pour se relever des nues aussi") et même sous les faux airs de comédie musicale à la Bernstein de "Trafalgar square" ("On s'amusera à tamiser nos nuits/Tu sais quoi on chantera sous la pluie/C'est si beau London quand on s'abandonne").
Quant aux autres, elles explorent toutes les pistes de l'amour confiant avec "Ton coeur" ("Dis moi de quoi le cœur est fait/Mon cœur à moi entend le tien dans son langage où les horloges fabriquent des rythmes inconnus")
à l'amour solaire de "Théo soleil" rappelant le pop rock sexy de Niagara ("Théo je t'adore même quand tu dors chut !") et "Le réveil" ("Réveille toi mon amour/Il est solaire ce temps qui divague/Emmène-nous maintenant")
et son versant lunaire avec "Sagamore" ("Quand tes reins antilope grondent et sur ma peau galopent/J'ai des airs qui me trottent qui longtemps après me portent/Sourcier Sagamore qui repart au matin à l'envers sur ses mains") qui rappelle Brigitte Bardot dansant dans Et Dieu créa la femme de Roger Vadim.
Un amour terriblement sensuel ("La nuit des fous") et explicite avec "Il viaggio" à la recherche des mains de l'homme sur son corps, voire torride dans "La danse du loup" ("Envolé ton sombrero j'ai vu ton bas j'ai vu ton haut/Je n'en peux plus de l'attendre/Je veux mon loup et ça m'emporte").
Et ce voyage au pays du cœur à fleur de peau passe par une écriture très personnelle, un registre musical varié, du mambo à la pop, et, surtout, par une voix atypique, une voix brute aux brusques ruptures et aux émouvants trémolos, en parfaite adéquation avec les textes.
Impossible de rester insensible !
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