Réalisé par Peter Greenaway. Pays Bas/Belgique/Finlande/Mexique. Biopic. 1h45 (Sortie le8 juillet 2015). Avec Elmer Bäck, Luis Albert, Maya Zapata, Rasmus Slätis, Jakob Öhrman, Lisa Owen et Stelio Savante.
"Que Viva Eisenstein !" de Peter Greenaway est-il vraiment un biopic sur S.M. Eisenstein, le génial cinéaste soviétique ?
La question a-t-elle vraiment un sens quand on connaît le cinéma foisonnant, touffu, baroque du cinéaste anglais ?
En tout cas, après "Goltzius et la compagnie du Pélican" qui marquait le renouveau d'un créateur qui s'était trop longtemps perdu dans un cinéma maniéré qui tournait à vide, "Que Viva Eisenstein !" est une confirmation : son talent est encore bien vivant.
Il l'a mis ici au service d'un grand retour : celui de Serge Michel Eisenstein. Grâce à Greenaway, le réalisateur du "Cuirassé Potemkine" et d'"Octobre" reprend vie. Et, sous les traits du jeune Elma Bäck, grand sourire aux lèvres dans son costume blanc, il a fier allure.
Celui d'un des plus grands cinéastes du vingtième siècle. Celui dont les images restent en tête quand on les voit une seule fois. Qu'on se souvienne du landau chutant dans l'escalier d'Odessa. Qu'on se souvienne des chevaliers teutoniques pris dans les glaces.
Dans "Que Viva Eisenstein", Greenaway retrace un moment-clé dans la vie d'Eisenstein, celui où il fait une longue escale au Mexique. Venant d'Hollywood, où il n'a pas fait long feu, et pas très pressé de retrouver l'URSS sous la férule du camarade Staline, il est là pour tourner un film, "Que Viva Mexico !", hymne à un peuple encore marqué par des années de guerre civile et d'agitation révolutionnaire.
Entre Éros, qui prend les traits de son guide, et Thanatos, qui a pour synonyme le Mexique sous toutes ses formes, Eisenstein poursuit son rêve d'un cinéma total, d'un cinéma qui a pour centre son esprit et les images qui s'y créent, entièrement nourries par ce qu'il voit et vit.
Hommage d'un cinéaste à un cinéaste, "Que Viva Eisenstein" produit de belles images et de beaux plans. Certes, le résultat n'a pas la force symbolique de ce que tournait Eisenstein, ni sa transcendante pureté. Greenaway sait qu'il vient trop tard, mais il a aussi conscience de ressusciter un personnage presque oublié, hors les rangs des cinéphiles et des étudiants en cinéma.
Qu'il en soit remercié. Cette ballade mouvementée dans le cerveau fécond d'un génie recèle une grande tristesse. Ce qu'il filme au Mexique ne laissera qu'un matériau brut composé de photogrammes d'une force peu commune. Bientôt, malgré toute sa nonchalante mauvaise volonté, il sera contraint de rentrer dans la mère-patrie. Une patrie amère qui ne lui donnera plus l'occasion que d'achever deux grands films.
"Que Viva Eisenstein !" de Peter Greenaway est un film rythmé qui cache sa tristesse avec un détachement quasi dandy. Au départ, l'attelage Eisenstein-Greenaway paraissait étrange. Au bout de ce film virtuose, il a toute sa logique et l'on comprend qu'à l'évidence l'auteur de "Meurtre dans un jardin anglais" et celui d'"Alexandre Nevski" étaient faits pour se rencontrer. |