Réjouie, inspirée et résolue, j’arrive sur le site des Eurockéennes le cœur rempli de tous ces je-ne-sais-quoi qui font que la vie est belle.
De fait, je ne parlerai pas de cet epic fail qui consista à aller voir à quoi ressemble Big Freedia. Si je m’incline devant l’aura de Freddie Ross et sa défense absolue et juste de la culture queer, sa bounce musique, elle, ne "passe" pas – mais alors pas du tout... Si bien que St Paul & the Broken Bones apparaît comme le messie ouvrant résolument ces Eurocks. La prestation vocale de Paul Janeway est époustouflante : grandiose soul salutaire incarnée par ce chanteur visiblement habité par l’esprit des plus grands – Otis Redding et Aretha Franklin, nous susurre le dossier de presse. Tout cela plane au-dessus de la Grande scène comme un nuage musical bienheureux et prometteur.
Ah enfin ! Enfin la voilà ! On m’avait dit... Je l’ai ratée... Une fois, deux fois, trois fois... Allons donc écouter Laetitia Sheriff. Si je suis convaincue en quelques titres de son âme de rockeuse forte et mélancolique à la voix chaude et profonde, la prestation scénique reste trop minimale, bien discrète et presque gênée. Dommage, car elle pourrait habiter l’espace comme jamais... Dans l’attente de la voir dans une autre scène, une autre ambiance, pour infirmer mes dires.
Si les Royal Blood ne révolutionnent pas le rock (mi-garage mi blues) qu’ils affectionnent, ils bluffent néanmoins par leur présence sur la Grande scène. Tout en décontraction et en puissance, le set de Mike Kerr et Ben Thatcher a de quoi satisfaire le public et confirmer l’adoration dont ils sont l’objet depuis une petite année. Un grand bravo au batteur qui, dès l’entrée sur scène, tient son téléphone portable à la main, version "chat vidéo", afin de montrer à un ami visiblement amoché la vue imprenable de la Grande scène et qui, dès le quatrième morceau, est descendu de scène, a traversé l’espace de la fosse et du public, pour aller donner, sur la plate-forme PMR, une de ses baguettes à un jeune ébahi – que je recroiserai plus tard et qui tiendra toujours aussi fièrement la relique.
Black Label Society, ou le heavy metal à l’état pur. Crâne et crucifix chevillés au micro, cheveux longs maltraités par un headbang des enfers, pieds rivés sur les retours, riffs parfaits sur une Gibson Flying V : pas de doute, nous sommes bien face à Monsieur Zakk Wylde, l’inénarrable et ex-guitariste d’Ozzy Osbourne. Ça "fait grave le taff", comme diraient certains, et on en profite un maximum puisque la programmation "métal" est encore, cette année, réduite à sa portion congrue (mais de qualité, ne crachons pas dans la soupe pour autant)...
Ben Harper a bercé mon adolescence, et Fight for Your Mind est, sans aucun doute, l’album que j’ai le plus écouté dans ma vie. Tout en humilité et en technicité, Ben Harper happe le public en quelques secondes, par son charisme sage et ses doigts de fée.
On louera la richesse de la setlist (et l’interprétation sans faille de "Burn one down" que je savoure la larme à l’œil) et le calme olympien de cette icône, auréolée de ses apôtres innocents à la complicité fidèle. Un concert ressenti comme une communion sous le signe de l’excellence.
L’essai était ambitieux et audacieux mais n’a pas, selon moi, été transformé. Les Skip The Use avaient carte blanche sur la Grande scène pour proposer un concert participatif, c’est-à-dire gonflé de quelques invités illustres.
Oui mais voilà : hormis ces apparitions, rien n’a vraiment fait la différence avec le concert de STU aux Eurocks en 2013... Et cela est bien dommage, entre nous. Qu’ont fait les invités ? On a chanté "La Fille du coupeur de joint" avec un Thiéfaine fringant et rajeuni, et... On a tenté d’entendre les voix d’HollySiz et de Jeanne Added, bien perdue sur cette immense scène et bien trop discrète dans cette reprise de "Smells Like Teen Spirit". Il faut dire que Matt Bastard prend toute la place, hurle, emmerde le Front National, et peine, tout simplement, à partager la scène... Vraiment, vraiment dommage.
Pour ne pas rester sur cette déception scénique et musicale, on court voir Off !, parce que le punk, c’est la vie. Ça joue dans le noir, et ça propulse le corps affaibli dans les affres sauvages des dépendances diverses et variées de Keith Morris (Black Flag, Circle Jerks) qui va bientôt, nous dit-on, publier son autobiographie intitulée My Damage : 40 Years On The Front Lines Of Punk. Pour l’instant, on profite de l’énergie du mythique bonhomme qui revient de si loin et n’a pas perdu ni sa verve ni son culot sur scène. Une fin aussi brute que belle pour cette première journée.
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