Réalisé par Marten Persiel. Allemagne. Documentaire. 1h30 (Sortie le 26 août 2015). Avec David Nathan, Anneke Schwabe, Zaneta Fuchsová et Kai Hillebrand.
Dans ce documentaire touffu et pêchu, le spectateur fera une grande découverte : en 1985, en République démocratique allemande, on pouvait faire du skate... et il existait une bande d'accros qui sévissait à Berlin Est, sur la fameuse "Alexanderplatz".
A l'occasion de la disparition de l'un d'entre eux, Denis dit "Panik", les ex-skateurs, devenus des quadragénaires à l'aise dans l'Allemagne réunifiée, se retrouvent dans un terrain vague lieu de leurs exploits de jadis... Entre nostalgie et énergie, ils se souviennent de cet "âge d'or", de ce moment de liberté paradoxale qu'ils ont vécu dans ce monde qu'on imaginait dans une grisaille permanente.
Rapide, plein d'informations et de documents d'époques qui se télescopent, "Derrière le mur, la Californie" de Martin Persiel est une manière originale de montrer la RDA finissante. Une RDA malgré tout bien vivante où si l'on pouvait ou savait jouer de ses codes, tout redevenait possible.
Se focalisant progressivement sur la blondeur germanique de Denis "Panik", Martin Persiel finit par faire germer des interrogations : ses documents supposés filmés par la bande paraissent très professionnels et l'on se demande comment de jeunes adolescents, fussent-ils de bonne famille et débrouillards, pouvaient se procurer tout ce matériel et l'utiliser aussi librement dans un pays où régnait la Stasi...
Peu à peu ce documentaire stimulant génère les mêmes interrogations que le fameux "A la recherche de Vivian Maïer" de Charlie Siskel : "Panik" existait-il vraiment ? D'autant que dans "Derrière le mur, la Californie" de Martin Persiel, il apparaît en "action" dans des films parfaitement "mis en scène" dans lesquels il rayonne.
Mais peu importe si son évident charisme semble trop beau pour être tout à fait vrai. Comme il est dit dans "L'Homme qui tua Liberty Valence", "quand la légende est plus belle que l'histoire, on imprime la légende"... Dans le cas de "Panik", l'impression aura lieu sur une pellicule et l'on est ainsi prêt à croire que le petit prince rebelle du skate est-allemand est allé se perdre, l'arme au poing, dans le bourbier afghan.
Dans "Derrière le mur, la Californie", Martin Persiel a modernisé le mythe rimbaldien. Tel le poète ardennais, Panik a renoncé à l'insolence et à ses semelles de vent pour expier dans une guerre innommable on ne sait trop quelle faute, celle peut-être de ne pas avoir été à la hauteur de son adolescence absolue.
Hymne à toutes les générations éternellement perdues, "Derrière le mur, la Californie" de Martin Persiel est un film sensible et prenant. On lui pardonnera ses petits arrangements avec la vérité et on lui accordera d'avoir fait souffler pendant 90 minutes sur l'écran l'air d'une jeunesse éprise de liberté.
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