Comédie dramatique de Luigi Pirandello, mise en scène de Stéphane Braunschweig, avec John Arnold, Elsa Bouchain, Cécile Coustillac, Daria Deflorian, Claude Duparfait, Julien Geffroy, Laurent Lévy, Thierry Paret, Romain Pierre, Pierric Plathier, Dominique Reymond, Jean‑Baptiste Verquin et Jean‑Philippe Vidal.

Mieux vaut connaître l'oeuvre et la biographie sommaire de l'écrivain et dramaturge italien Luigi Pirandello pour mesurer les thèmes et enjeux de sa dernière pièce, "Les Géants de la montagne", demeurée inachevée et dont l'éventuel dénouement est donc laissé à la sagacité du metteur en scène, et apprécier le conséquent travail de Stéphane Braunschweig.

Considérée comme une pièce de résistance contre le fascisme, synonyme d'inculture et de fossoyeur de l'art comme tout régime totalitaire et le capitalisme, qui substitue le consumérisme à la spiritualité, un manifeste sur l'art, et plus spécifiquement de la poésie, et son indispensabilité, et une déclinaison de l'illusionnisme théâtral, la partition ressortant au conte populaire traite par voie allégorique et, selon l'auteur lui-même, du "triomphe de la Poésie, mais en même temps la tragédie de la Poésie dans la brutalité de notre monde moderne".

Dans un infra-monde intemporel, une troupe de comédiens errants, dépenaillés et faméliques, arrivent dans un no man's land constitué par une villa abandonnée au pays des Géants de la montagne qui régentent le monde par la force.

Elle est occupée par un homme singulier qui en a fait son royaume des songes, des fantômes et de l'invisible, le magicien Cotrone, qui n'est pas sans évoquer le Prospero shakespearien, entouré d'êtres déchus, de marginaux et de fous, les "poissards", rassemblés en une cour des miracles.

L'essentiel de la pièce consiste en une confrontation sur l'art sur le mode thèse-antithèse par laquelle Pirandello explore l'impossibilité du théâtre dans l'ordre du monde moderne.

Désenchanté, Cotrone, superbement campé par Claude Duparfait, milite pour le retrait du monde de l'artiste alors que Ilse, la figure de proue de la troupe, comédienne à la stature de monstre sacré à laquelle Dominique Reymond apporte une belle démesure, qui se pense investie d'une mission sacrée et veut continuer à dispenser son art et notamment une pièce que lui a dédié un poète amoureux qui a connu une fin tragique, intitulée "La Fable de l'enfant échangé" titre d'une pièce de Pirandello.

Stéphane Braunschweig a conçu une structure pivotante en forme de dôme épuré qui, s'il peut figurer une scène de théâtre futuriste et fait office de boîte à images pour les vidéo-animations de Christian Volckman, évoque davantage, sous les lumières de Marion Hewlett, une "stargate" matérialisant la frontière entre les multiples espaces spatio-temporels.

Soutenue par une distribution solide, avec pour les rôles principaux; les précités Claude Duparfait et Dominique Reymond, John Arnold, Pierric Plathier et la comédienne italienne Daria Deflorian en possédée mystique, et la rigoureuse direction d'acteur de Stéphane Braunschweig, la pièce, qui entre en résonance avec la "tentation" des gouvernements actuels de considérer l'art comme un superflu et la culture comme un poste budgétaire dispensable, acquiert une belle lisibilité pour le spectateur.