Comment se reconstruire quand on a vécu quelque chose qui se rapproche de l’enfer, comment construire un couple, comment se reconstruire grâce à l’autre, comment un couple se transforme en un tout ?
La Couleur de l’eau ne raconte pas une histoire mais trois, tout d’abord celle de Dave, simple vigile vivant dans une cité avec sa mère qui rêve de le voir finir avec sa jeune meilleure amie, ensuite celle d’Alena, jeune rousse qui a quitté sa Russie natale en rêvant de jours meilleurs à Londres et enfin celle de Alena & Dave, ensemble, en tant que couple ou du moins comment ils vont essayer de devenir un couple pour ne faire plus qu’un.
Kerry Hudson alterne donc ces trois récits pour nous dévoiler petit à petit ce que chacun a vécu, pour que l’on comprenne mieux les histoires de chacun, sans jamais tomber dans le larmoyant ou le mélo. Au contraire, même dans les moments un peu difficiles, elle garde toujours une touche de légèreté ou de distance. Si rien de ce qui se passe dans la tête d’Alena ne nous est caché, Dave reste secret même pour le lecteur et il faudra attendre la fin pour mieux le comprendre. Quant au couple, il se construit doucement devant nous, pas à pas, et la distance entre un canapé et une chambre à coucher peut parfois être aussi grande que celle qui sépare Londres de Moscou, comme s’il fallait s’accepter avant d’accepter l’autre. Une histoire d’amour entre deux personnes abîmées par leur vie d’avant, deux personnes oubliées, invisibles, comme à côté de leur propre vie.
Roman fin, touchant, joliment construit, dressant le portrait de deux personnages extrêmement attachants, l’empathie est instantanée, mêlant le passé et le présent, souffrant malheureusement d’une petite longueur vers la fin. La Couleur de l’eau ne parle pas que d’amour, ce n’est pas un livre sorti chez Arlequin, il évoque également l’alcoolisme, l’immigration, la prostitution, la désillusion. Comment nous rêvons notre vie pour au final finir encore plus bas que là où nous avions commencé, comment par lâcheté, par aveuglement nous abandonnons nos espoirs, pour finir simple spectateur de nos vies.
Pour Kerry Hudson, la rédemption passe par l’amour, par l’apprivoisement de l’autre comme un apprivoisement de soi, comme si découvrir l’être aimé était se découvrir. |