Comédie d'après le roman éponyme de Mark Haddon, mise en scène de Philippe Adrien, avec Pierre Lefebvre, Juliette Poissonnier, Sébastien Bravard, Nathalie Vairac; Bernadette Le Saché, Mireille Roussel, Laurent Montel, Laurent Ménoret et Tadié Tuéné.
"Le bizarre incident du chien dans la nuit" est un roman de Mark Haddon, best-seller lors de sa publication en 2002, qui, outre une satire du monde contemporain, illustre la faculté potentielle et ponctuelle pour un autiste de forme SA (syndrome d'Asperger) de sortir de son réel autocentré et ritualisé pour s'adapter partiellement et temporairement à la société.
Il a récemment fait l'objet d'une adaptation théâtrale par Simon Stephens qui, dans la traduction française de Dominique Hollier, est portée sur scène en France sur le mode sur le mode du théâtre-récit par Philippe Adrien.
La proposition de Philippe Adrien se présente comme un conte pour grandes personnes qui repose essentiellement sur l'effet magique qu'aurait Christopher sur son entourage et sur la déclinaison d'anecdotiques scènes de la vie moderne à la manière du comique tatiesque qui renverse la problématique dès lors que ce n'est pas lui qui est inadapté à la vie sociale et enfermé dans ce que Bruno Bettelheim nommait la forteresse vide mais la vie qui serait aberrante.
Elle constitue donc une fable enchantée, qui, à défaut de chansons, comporte quelques intermèdes dansés, dont le ballet hybridant gym-tonic et hip-hop dispensé en prologue par toute la troupe.
Elle se déroule sous forme de tableaux illustrés qui, dans le décor de bande dessinée à la ligne claire de Jean Haas, pelouse artificielle et deux murs de briques, évoquent les pop-up de la littérature enfantine.
Sur scène, s'il a la bosse des maths, Christopher est aussi multi-cabossé par le destin génétique avec yeux révulsés, tics, bégaiement, spasticité des mains et stéréotypie kinétique (belle composition du poly-handicap par Pierre Lefèvre). La découverte du meurtre du chien de la voisine par son père et de l'existence de sa mère qu'il croyait morte l'entraîne à quitter sa maison pour se réfugier chez celle-ci.
Autour de lui les autres protagonistes interviennent dans le cadre d'un théâtre d'acteurs et une pluralité de registre : naturalisme mélodramatique pour la mère (Nathalie Vairac) qui confesse dans un long monologue l'abandon du foyer familial dû à son incapacité à supporter son enfant, réalisme pour le père (Sébastien Bravard), brave homme qui fait ce qu'il peut pour élever seul son fils, la voisine crispée (Mireille Roussel) dont a volé le mari (Laurent Montel) et tué le chien, comique appuyé pour le révérend et le chef de gare (Tadié Tuéné), lunaire pour la mémé-gâteaux pas encore gâteuse à voix de vieille petite fille (Bernadette Le Saché), surréaliste pour l'homme au parapluie (Laurent Ménoret épatant entre Jacques Tati et Mary Poppins).
Tous, avec Juliette Poissonnier qui campe l'enseignante bienveillante, sont également narrateurs de cette aventure chorale. |